Page:Ribot - Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome 16.djvu/139

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée


LES SENSATIONS ET LES PERCEPTIONS

(Suite et fin[1].

II. Analyse de la notion d’extériorité.

§1. Acquisition de la notion d’espace. — Il nous reste à examiner comment les perceptions, que nous avons jusqu’ici présentées seulement comme objectives, peuvent nous paraître en outre extérieures. Il va ans dire que l’ordre que nous suivons dans notre exposition ne correspond pas exactement à l’ordre dans lequel nous acquérons nos connaissances. Il n’est pas nécessaire que notre esprit se soit fait une idée parfaitement nette de l’objectivité pour pouvoir passer à la conception de l’extériorité : en réalité, ces deux notions se développent à la fois et sont toutes deux contenues en germe dans nos premières perceptions. — Il n’est pourtant pas vraisemblable qu’elles se développent toutes deux avec la même rapidité : la notion d’extériorité, supposant pour être bien conçue un plus grand nombre d’observations, doit être encore imparfaite et confuse quand déjà nos perceptions nous apparaissent comme nettement objectives. D’ailleurs, il suffit qu’en fait cette notion soit plus compliquée, moins essentielle à la connaissance, et d’une application plus restreinte, pour que nous soyons autorisés à l’étudier en second lieu.

L’espace, au sens du mot, c’est le lieu où sont les corps, abstraction faite de ces corps ; c’est l’étendue considérée en elle-même, indépendamment de la matière ; c’est en un mot le vide. Cette définition même nous montre que l’idée d’espace ne peut être considérée comme primitive : évidemment elle résulte d’une abstraction et suppose un travail particulier de l’esprit. Mon esprit ne peut débuter par des conceptions négatives ; avant de songer à nier quoi que ce soit, il faut qu’il ait affirmé quelque chose de positif, qu’il ait trouvé un véritable objet de connaissance. Mon attention ne peut être attirée d’abord sur ce qui n’est pas, c’est-à-dire sur le néant. Avant d’être devenu capable de concevoir l’étendue vide, j’ai certainement commencé par percevoir l’étendue pleine.

  1. Voir le n° précédent.