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ments qu’exécutent les organes de nos sens ; enfin, l’œil étant mobile comme la main, les perceptions visuelles peuvent être localisées, tout aussi’bien que les perceptions tactiles, suivant les trois dimensions de l’espace. — Cette étude de la localisation est sans doute fort incomplète. Il nous resterait à montrer comment l’expérience facilite et simplifie ces opérations ; comment nous apprenons à percevoir du premier coup d’œil la forme des objets sur des indications très sommaires, telles qu’une ombre portée, un jeu de lumière ; comment nous corrigeons en imagination les effets de la perspective linéaire ou aérienne ; comment nous parvenons à localiser les perceptions auditives, etc. Mais nous nous retrouvons ici en pays connu. Nous pouvons donc nous dispenser de recommencer des observations et des descriptions déjà faites, que l’on pourra retrouver dans les traités spéciaux. Notre but n’était pas de traiter intégralement une question si complexe, mais seulement d’indiquer les opérations primitives, élémentaires, qui sont indispensables au début même de la perception, et sans lesquelles nous ne pourrions nous élever à des connaissances plus développées.

§ 3. Localisation des sensations. — Après avoir cherché comment nous localisons nos sensations objectives ou perceptions, il ne nous reste plus qu’à chercher comment nous localisons nos sensations subjectives ou sensations proprement dites.

Nous avons remarqué, au commencement de cette étude, que les sensations subjectives étaient en général localisées d’une manière assez vague. Pourtant l’observation nous montre qu’en fait nous les localisons toutes à l’intérieur du corps ; si donc il nous est difficile de déterminer le lieu précis dans lequel nous avons conscience de les éprouver, nous pouvons au moins déterminer avec une grande exactitude, la portion de l’espace dans laquelle elles sont toutes comprises et qui est le volume même du corps.

Dans l’état actuel de notre connaissance, nous nous faisons une idée très nette de la forme de notre corps. Comment avons-nous acquis cette notion ? — Deux hypothèses sont en présence. Ou bien nous percevons notre corps du dedans, par les sensations internes qu’il nous donne ; ou bien nous le percevons du dehors, en le regardant ou le palpant comme un objet extérieur quelconque. — Or la première hypothèse ne soutient pas l’examen. Les sensations internes que nous pouvons éprouver dans une partie quelconque de notre organisme sont beaucoup trop vagues pour nous permettre de déterminer la forme de cette partie. Ainsi, quand j’ai mal à la tête, on aura beau dire que cette sensation de malaise est diffuse