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s’identifient. Ainsi en est-il à leurs yeux des arts et des sciences et des applications ou des modes de l’activité humaine.

La conclusion à tirer de ce coup d’œil sur l’esthétique ancienne, c’est qu’en somme le problème que nous étudions y est à peine posé. Mais la science du beau elle-même n’y est-elle pas confondue avec les autres parties de la philosophie ? Elle est à peine sortie de son berceau. Le seul philosophe qui ait abordé ce problème lui a donné à peine un moment son attention. S’il en a indiqué, comme on le prétend, la solution, s’il a montré la manière de le résoudre, sa pensée est restée tout à fait ? stérile et pour lui et pour ses successeurs.

V

Le Moyen âge tout entier offre une grande lacune dans l’histoire de la science du beau et de la théorie des arts. Et cependant un art nouveau est né qui a succédé à l’ancien ; l’imagination inspirée par la pensée chrétienne enrichit le monde de ses œuvres nouvelles et couvre le sol de ses monuments. Mais la théorie fait défaut. Les raisonneurs de la scolastique ne songent pas qu’il y a là une puissance humaine d’une fécondité merveilleuse, qui se déploie sous leurs yeux et dont il serait curieux au moins d’interroger la nature et d’étudier les lois. Les plus grands docteurs semblent l’avoir tout à fait oubliée. La subtilité de l’esprit humain s’exerce sur d’autres sujets. Nous n’avons donc rien à demander à la scholastique sur ce qui regarde notre sujet. Et toutefois, elle qui a poussé si loin le luxe des divisions et des distinctions, comment n’aurait-elle pas eu sa division des arts, ne fût-ce que pour servir de base à l’enseignement et à l’organisation des écoles ? Elle l’a eue, en effet, très célèbre et universellement admise. C’est celle des sept arts libéraux, le trivium et le quadrivium. Etablie par Marcianus Capella (Satyricon) dès le cinquième siècle, adoptée par Cassiodore et les auteurs du sixième, elle fut suivie sans contestation dans toutes les écoles au moyen-âge. Que contient-elle ? Les arts y sont rangés en deux groupes ; le premier, le Trivium, comprend les trois arts (les trois voies) qui mènent à l’éloquence, la grammaire, la rhétorique et la dialectique ; le second, le Quadrivium, les quatre voies qui conduisent à la science et à la sagesse, savoir la musique, l’arithmétique, la géométrie, l’astronomie. Ce qui est à remarquer dans cette division, c’est que précisément les beaux-arts, la musique exceptée, y brillent par leur absence. Ce sont des sciences qui prennent leur place, envisagées surtout par le côté pratique. Il