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ANALYSES ET COMPTES RENDUS


Paul Mantegazza.Fisonomia e Mimica. in-8o. Milan, Dumolard (Bibliothèque scientifique internationale).

Après Cardan, Dalla Porta, Lavater, Gratiolet, Darwin, M. Mantegazza s’est proposé d’étudier les lois de la physionomique et de la mimique humaines. Nous passerons rapidement sur la partie historique aussi bien que sur la partie descriptive de ce livre intéressant. Il importe assez peu, en somme, de connaître les tâtonnements incomplets de cette science difficile, jusqu’ici considérée plutôt comme un art conjectural. Et il est assez inutile d’apprendre aux lecteurs de la Revue philosophique que la face humaine comprend des yeux, un nez, une bouche, etc. Citons cependant un passage de la description enthousiaste que M. Mantegazza fait de ce dernier organe. « Si l’œil, dit-il, est la partie la plus expressive de la figure, la bouche en est la plus sympathique, et les désirs de l’amour, les ardeurs de la volupté y convergent comme à leur centre naturel. En fait, l’œil est le centre mimique de la pensée, la bouche est le centre expressif du sentiment et de la sensualité. » Et plus loin : « Ami lecteur, prends la peine de comparer les émotions différentes que te causent, chez une femme, deux très beaux yeux ou une très belle bouche. Dans le premier cas, tu pourras admirer ; dans le second, tu devras aimer et désirer. La femme qui nous enflamme par la beauté de ses yeux nous entraîne, nous élève dans une sorte d’extase intellectuelle ; celle qui nous fascine par la beauté de sa bouche nous enlace, nous étreint et devient tout à coup nôtre, au moins dans le monde irresponsable des désirs. C’est que l’œil, c’est le ciel bleu auquel nous ne pouvons jamais atteindre ; tandis que la bouche, c’est la terre avec ses ardeurs, avec la sensualité profonde de ses fruits et de ses parfums. »

Ceci est un premier échantillon du style plutôt lyrique que philosophique ou scientifique de M. Mantegazza, quand il s’agit de l’amour et de ses dépendances. Mais arrivons au problème le plus intéressant, aux lois de la mimique et de l’expression. M. Mantegazza pose la question avec une grande netteté. Il s’agit, en premier lieu, étant donnée une émotion centrale, de