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trouver pourquoi et comment elle rayonne suivant différents centres sympathiques.

En second lieu, il s’agit de déterminer :

Ce qu’exprime un mouvement mimique donné ;

L’intensité de l’émotion exprimée ;

Le tempérament moral ou intellectuel du sujet ;

Enfin la sincérité des sentiments manifestés.

Quand on aura répondu à ces diverses questions, on pourra se vanter d’avoir la pleine intelligence de la mimique, dans ses origines et dans sa marche, dans son essence et ses particularités.

Voyons les solutions de M. Mantegazza.

Avant lui, des principes de la plus haute importance avaient été établis par deux naturalistes, Gratiolet et Darwin.

Gratiolet avait remarqué, en premier lieu, que chacun des organes faciaux de nos sens est le siège d’une expression spéciale, lorsque le sens dont il est l’organe est satisfait ou lésé (l’œil qui voit une belle couleur, le nez qui aspire un parfum, etc.) ; en second lieu, que lorsqu’un de ces organes éprouve une sensation déterminée, douloureuse ou agréable, tous les autres s’associent, à leur façon, à son plaisir ou à sa peine ; en troisième lieu enfin, que toute émotion intellectuelle ou morale, intérieure en un mot, se manifeste à l’extérieur précisément par ce consensus des différents organes. De là un certain nombre de métaphores consacrées dans toutes les langues. Chez un homme qui savoure les mérites délicats d’un livre exquis, la bouche et la langue se disposent comme si le lecteur goûtait de quelque mets délicieux, les yeux rient, les narines se dilatent comme pour respirer un parfum agréable. M. Mantegazza a donné à cette belle et grande loi un caractère de précision remarquable, et il a dressé le tableau suivant des synonymies mimiques :

Paroxysmes de la volupté. De la douleur.
Plaisirs de l’odorat. Volupté amoureuse.
Souffrances de l’odorat. Mimique du mépris.
Souffrances causées par une
saveur amère.
Blessures muettes de l’amour-propre.
Plaisirs et souffrances de l’ouïe. Plaisirs et souffrances du cœur.
Plaisirs et souffrances de la vue. Plaisirs et souffrances de l’esprit.
Souffrances traumatiques. Mimique de la lutte morale.
Bien-être. Plaisirs d’amour-propre.
Mimique de la luxure. Mimique de la cruauté.
Mimique de la pudeur. Mimique de la modestie.
Souffrances par le froid. Mimique de la peur.
Souffrances par le chaud. Mimique de la colère.
Souffrances intestinales.
Mimique du spleen ou de l’hypo­condrie.
Terreur panique. Aliénation mentale.

Chacun pourra apprécier, par son expérience personnelle, le plus ou