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nière plus intéressante et moins abstraite que ne l’était la première conclusion. Il offre d’ailleurs l’avantage d’ouvrir une perspective sur un second ouvrage que nous ne ferons pas, mais que d’autres pourront faire à notre place, à savoir la finalité dans l’ordre moral, lacune qui a été remarquée dans notre livre avec raison, mais que nous n’eussions pu combler qu’en doublant l’ouvrage déjà trop volumineux ; ce qui du reste excéderait nos forces. » Espérons que M. P. Janet ne se croira pas lié par cette parole. L’historien de la Politique dans ses rapports avec la morale, l’auteur de la Morale, un des plus savants livres de ce temps, est peut-être le seul qui puisse achever dignement le monument qu’il vient d’élever à la métaphysique des causes finales. Nous pouvons être sûr, en tout cas, qu’avec sa libéralité d’esprit habituelle, sa rare générosité philosophique, s’il n’écrit lui-même le livre auquel il fait allusion, il saura le suggérer et l’inspirer à d’autres ; mais ce ne sera pas tout à fait la même chose.

Signaler toutes les modifications de détail nous entraînerait trop loin ; ici une note explicative (p. 537), là un appendice important (p. 722), consacré à deux objections intéressants, l’une de M. Mansion, professeur de mathématiques à l’université de Gand, l’autre de M. Rabier, professeur de philosophie au lycée Charlemagne, la première sur l’argument épicurien, la seconde sur l’argument de Kant. Cet appendice complète et modifie sur quelques points l’examen de la preuve physico-théologique (M. P. Janet a maintenu cette expression, malgré l’avis contraire de M. Liard, qui veut qu’on écrive physico-téléologique). Bornons-nous à recueillir dans la préface de la nouvelle édition les déclarations de l’auteur sur l’ordonnance générale et sur le véritable esprit de l’ouvrage. On peut le ramener tout entier à trois propositions fondamentales solidement enchaînées : 1o Il n’y a pas de principe à priori des causes finales. La cause finale est une induction, une hypothèse dont la probabilité dépend du nombre et des caractères des phénomènes observés. 2o La cause finale se prouve par l’existence en fait de certaines combinaisons telles que l’accord de ces combinaisons avec un phénomène final indépendant d’elles serait un pur hasard, et que la nature tout entière devrait s’expliquer par un accident. 3o Le rapport de finalité étant une fois admis comme loi de l’univers, la seule hypothèse appropriée à notre entendement qui puisse rendre compte de cette loi, c’est qu’elle dérive d’une cause intelligente. M. P. Janet caractérise à merveille l’esprit de son ouvrage en déclarant que c’est une œuvre, non de polémique, mais de critique, non de combat, mais de recherche. Il s’est constamment attaché à mettre en lumière non le côté faible de la thèse adverse et le fort de sa propre thèse, mais le faible et le fort des deux thèses en présence ; la polémique a un parti pris, la critique est désintéressée. La critique est le doute méthodique, le vrai procédé philosophique : elle tient lieu en philosophie des moyens de vérification rigoureuse, expérience ou calcul, que possèdent les autres sciences. Mettre sa pensée d’accord avec elle-même, c’est un grand point, mais cela ne suffit