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Ce procédé empirique et mécanique du transport, employé pour la démonstration de l’égalité, est illégitime, puisqu’il s’agit de notions idéales et nullement de corps réels. Nous ne pouvons entrer dans le détail de la discussion toute mathématique qui tend à prouver que la démonstration par le transport néglige la considération des directions, essentielle aussi en géométrie, et altère ainsi les figures. Nous laissons aussi entièrement de côté la discussion et la justification des formules qui fait l’objet du troisième article. — Le quatrième indique une extension possible de la logique mathématique et une application de ses formules aux sciences physiques, naturelles, éthiques et esthétiques. Il s’y déploie un trop grand luxe de fonctions, de potentiel, d’intégrales, pour que nous puissions y insister.

G. Heymans. La méthode de l’éthique. — Voici, d’après l’auteur, le résumé de ces trois articles : La morale réclame une méthode à la fois inductive et apriorique. La contradiction apparente de ces deux termes n’est nullement réelle (contre M. Guyau) ; il n’y a point opposition entre l’induction, qui appartient toute à la méthode, et l’apriorisme, qui est affaire de la théorie de la connaissance. Il est des sciences toutes à priori, d’autres tout empiriques ; il n’en est point qui soient purement inductives ou déductives : les mathématiques elles-mêmes et la logique renferment une part d’induction. — L’induction est un travail préliminaire conduisant à la loi générale et définitivement établie ; alors commence le rôle de la construction à priori. L’induction doit fournir à la morale une base inattaquable ; puis la valeur de ses déductions aura pour critérium l’évidence parfaite et la cohérence systématique des parties. Ce n’est qu’en débutant par rendre un compte exact et sévère de la vérité de ses principes, comme l’ont fait les mathématiques et la logique, qu’elle pourra marcher d’un pas sûr et ferme. Le défaut a été jusqu’ici de prendre tout pour base de ses inductions, hormis ce qu’elle eût dû mettre en lumière et considérer uniquement, l’estimation morale. Elle doit se borner maintenant à rechercher les lois naturelles du jugement moral ; la difficulté que présente un tel travail n’est nullement une impossibilité ; elle a sa raison dans ce fait que la morale est une science très concrète, et qu’elle doit tenir compte d’une infinité de circonstances réelles. Mais une science de la moralité n’est point impossible.

L. Carrau. La morale utilitaire. — L’auteur du compte rendu, M. de Gizycki, déplore en commençant le parti pris d’opposition apporté par un philosophe dans l’histoire d’une doctrine philosophique. — Il reproche à l’auteur d’avoir exagéré l’importance du rôle de Bacon dans le développement de la morale anglaise, et cela au détriment de Socrate et des Stoïciens, qui, par Cumberland, Shaftesbury et Hutcheson, ont exercé une influence autrement considérable. M. Carrau n’a pas assez senti la grandeur de Hobbes. Il exagère les mérites d’Helvétius, est trop bref