Page:Ribot - Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome 16.djvu/247

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
243
CHAUVET. — la médecine grecque

d’abord fait résider l’âme dans les méninges[1], ce qui semble assez conforme à sa première opinion ; et l’a-t-il ensuite fait résider dans le cerveau même, ce qui semble conforme à la seconde ? Cette dernière supposition ne paraîtra pas douteuse, si l’on songe à cette vue d’Erasistrate, rapportée par Galien : il avait semblé à ce grand anatomiste-psychologue qu’il existe un rapport naturel entre les circonvolutions cérébrales et l’intelligence[2], et que, si l’intelligence humaine a des facultés plus hautes, c’est que le cerveau humain a un développement plus grand[3]. — S’il fallait en croire Tertullien[4], Andréas de Caryste, dogmatique comme les précédents, et sans doute anatomiste comme eux, se serait refusé à localiser l’âme, par cette raison, qui n’en semble pas une, qu’elle se confond avec les sens.

Mais ces questions du siège de l’âme et des organes propres de la sensibilité et de motilité, que les dogmatiques, en leur qualité d’anatomistes, devaient nécessairement toucher, ne sont pas les seules dont ils se soient inquiétés. On peut affirmer que les recherches médicales, toujours voisines des recherches psychologiques, en ont mis d’autres sur leur chemin, et qu’ils y ont au moins jeté un regard. C’est ainsi qu’Erasistrate, étudiant dans son traité De la paralysie l’influence de l’habitude dans l’état de santé et de maladie, notait avec un soin égal les habitudes de l’esprit et les habitudes du corps, par un heureux et fécond mélange de la psychologie et de la physiologie. Cela se voit clairement, et avec intérêt, dans un long passage conservé par Galien[5].

Enfin il n’est pas jusqu’aux questions les plus générales et les plus hautes de la physique philosophique auxquelles les dogmatiques ne se soient intéessés. Erasistrate, qui paraît être le plus philosophe des médecins de cette secte et de cet âge, avait une forte teinture péripatéticinne, comme l’atteste Galien[6], qui lui reproche, peut-être à tort, d’avoir mal compris Aristote. Sur les traces du maître, dans un livre que Galien cite plusieurs fois[7] sans nous en révéler le véritable objet, De l’universalité des choses, il semble bien qu’il embrassé la na are en général avec la nature humaine, et qu’il ait étudié les êtres, et singulièrement l’homme, du point de vue

  1. Galien, D. l’us. des part., l. I. ch.  8.
  2. On ne s’attendait pas à trouver si loin dans l’histoire le premier antécédent de la phrénologie.
  3. Gal.. Des doym. d’Hipp. et de Plat., l. VIII. ch.  3 ; De l’us. des part., l. VIII, {ch.  13.
  4. De anima, ch.  5.
  5. Des habitudes, ch.  I, sub fine.
  6. Des fac. naturelles, l. II, ch.  4.
  7. ibid., ch.  3, 4 ; De l’us, des part., l. IV, V, VII.