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On ne peut guère douter non plus qu’ils aient tourné leur attention du côté des devoirs particuliers du médecin, continuant ainsi de marcher sur les traces d’Hippocrate et des hippocratistes. Une fois entrée dans cette voie, la médecine n’en pouvait guère sortir, et de fait elle y est toujours restée[1]. Une indication de Galien[2] recueillie par Sprengel[3] nous apprend qu’un de ces médecins, Mantias, avait écrit un traité Des devoirs du médecin, et rien ne prouve qu’il ait été le seul.

Dans le champ de la physique, et je dirais volontiers dans le champs médical de la physique, il ne se peut pas que les dogmatiques n’aient pas rencontré et plus ou moins discuté plusieurs question philosophiques. Ils avaient fondé l’anatomie, l’anatomie directe qui observe l’homme sur l’homme, par la dissection de cadavres humains[4]. Ils avaient étudié spécialement le système nerveux et y avaient fait de précieuses découvertes. Cela les menait tout droit à la philosophie ou, comme nous disons aujourd’hui, à la psychologie ; car entre le système nerveux et l’âme les rapports sont trop étroits, ou même trop intimes, pour qu’on puisse s’occuper beaucoup du premier, sans s’occuper en quelque mesure de la seconde. Et en effet les rares documents que nous pouvons consulter nous montrent tous ces médecins soucieux de déterminer le siège de l’âme, l’agent de la sensibilité et du mouvement. Hérophile ouvre la marche, ici comme ailleurs. Il avait reconnu le rôle psychique du système nerveux, et constaté que c’est par lui que nous imprimons le mouvement et recevons la sensation[5]. Il avait même suivi la sensation de nerf en nerf jusque dans le cerveau, et plus précisément jusqu’à la partie postérieure de la voûte à trois piliers, où la sensibilité aurait son siège et son foyer[6]. — Erasistrate avait pris le même chemin. Il avait aussi rapporté la sensibilité et le mouvement aux nerfs, comme à leurs instruments, au cerveau, comme à leur centre. Il s’était même d’abord trompé, puis corrigé, sur ce point particulier. Il avait cru, étant jeune, que les membranes qui enveloppent les nerfs et le cerveau en sont la partie essentielle ; mais, devenu vieux, et plus libre de disséquer et d’observer, il avait rendu à la substance intérieure du nerf et du cerveau sa juste importance, et reconnu que c’est par elle qu’ont lieu les actions psychiques[7]. Est-ce lui qui avait

  1. On écrit encore aujourd’hui des traités de morale médicale.
  2. Commentaire de l’off. du médecin.
  3. Hist. de la med., t.  1, p. 453.
  4. Celse, De re medica, sub initio.
  5. Rufus, De apellat. part., c. h. l. II.
  6. Galien, De l’usage des parties, l. VIII.
  7. id., Du dogm. d’Hipp. et de Plat., l. VII, ch.  3.