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LA DIVISION DES ARTS


DANS L’ESTHÉTIQUE ALLEMANDE[1]

I

La théorie du beau est entrée avec Kant dans son ère scientifique. Pour la première fois, les jugements du goût, les sentiments que fait maître l’idée du beau, les actes de l’esprit qui les accompagnent et les suivent, les autres idées qui se rattachent au beau, comme celle du sublime, etc., sont soumis à une analyse approfondie et à une critique rigoureuse. Sous ce rapport, en tout ce qui touche à la psychologie et à la métaphysique du beau, on n’a que des éloges à donner à cette partie du système. On n’en peut dire autant de celle qui est relative à l’art et aux beaux-arts.

Quoique semée d’aperçus ingénieux et de réflexions profondes, cette partie n’offre ni un tout complet ni une théorie véritable, méditée avec soin et mûrie par la réflexion. C’est une sorte d’essai qui vient s’ajouter, comme accidentellement, à l’analyse du beau et du sublime. Dans cet appendice, qui est à peine une esquisse, aucune des questions relatives à la nature de l’art, à son origine, à son but, à ses effets, etc., n’est sérieusement et directement traitée. Il semble que le métaphysicien, sur ce nouveau terrain, ose à peine se hasarder ; il y paraît comme dépaysé et désorienté. Lui-même a soin d’avertir à plusieurs reprises que ce qu’il donne se réduit à de simples essais ou ébauches. Et cela ne doit en rien nous étonner. Kant, qui, on le sait, n’est pas plus sorti de Königsberg que Socrate n’était sorti d’Athènes, n’y avait pas vu ce qu’on voyait dans la ville de Phidias et de Périclès. Placé en face d’une nature prosaïque, sa vie s’était passée dans un milieu peu propre à éveiller chez lui le goût et le sentiment des arts[2]. Le désir très vif qui, à la suite des travaux de Winckelmann et de Lessing, s’était emparé de ses compatriotes, de connaître les œuvres

  1. Voir le numéro précédent de la Revue.
  2. Voy. une étude assez curieuse, à ce sujet, dans le Preussen Jahrbucher, 1867, par M. Friedenländer.