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ses moments, à tous ses degrés, dans sa marche incessante et progressive, ou dans son évolution, d’abord en soi ou dans sa forme abstraite, puis dans le monde de la nature et de l’esprit.

Avec un tel système et une pareille méthode on conçoit quelle importance va prendre dans la science du beau le problème de la division des arts.

Lui-même va nous présenter une face nouvelle. Comme toutes les autres formes de la pensée, celle-ci devra se plier aux exigences de cette méthode, suivre sa marche, s’assujettir à ses formules. Le rhythme de la dialectique en réglera tous les pas. La philosophie de l’art, dans son ensemble et dans toutes ses divisions et subdivisions, devra lui obéir. Une coordination précise sera nécessaire, où chaque terme, chaque forme générale et particulière aura sa place marquée dans un ordre invariable et qui ne peut s’intervertir, selon les règles précises d’une logique rigoureuse et inflexible. La science du beau et de l’art (Wissenschaft der Schöne) est à ce prix. Autrement, dira-t-on avec dédain, ce n’est pas une science, et elle n’a pas le droit de figurer comme partie intégrante de la philosophie.

Ce n’est pas au chef de cette école que nous devons d’abord nous adresser pour savoir comment le problème y est résolu. L’esthéticien qui le premier a fait usage ici de cette méthode n’est pas Hegel, mais un disciple indépendant, Christian Weisse. Il entreprit, dit-il, de donner une forme scientifique à la théorie du beau ou de l’organiser d’après la méthode nouvelle.

Son livre intitulé Système de l’Esthétique comme science de l’idée de la beauté (Syst. der Æsthetik als Wissenschaft von der Idee der Schönheit) n’est pas d’un abord facile même pour ses compatriotes. Un style abstrait, hérissé de formules, diffus et chargé avec cela de métaphores, en défend l’entrée aux profanes. Ce n’est pas : moins l’œuvre d’un penseur original et profond ; il contient beaucoup d’idées neuves et fécondes, indépendantes du système.

Sur ce point particulier de la division des arts, l’auteur nous dit qu’il a essayé de créer le corps organisé de la science du beau selon les règles de la méthode dialectique. Or le principe de sa division, quel est-il ? Il est, dit-il, emprunté non aux sens, mais à l’idée même de l’art et du beau, à « la position des deux termes qui constituent le beau ». En outre, il observe le rhythme de la pensée dans le développement qu’elle suit et qui est la loi même du processus ou de l’évolution de l’idée, conformément à ce principe : 1o l’idée est d’abord incorporée à la matière ; 2o en second lieu, elle se scinde et s’oppose à elle-même ; 3o elle revient sur elle-même, et les deux termes se réconcilient. On reconnaît ici la dialectique hégélienne.