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BÉNARD. — problème de la division des arts

placée au sommet, est le but duquel tendent à se rapprocher tous les arts. Tous les arts dérivent d’un principe unique, la poésie. Celle-ci représente le plus haut degré de l’idéal poétique, la poésie, dont le mode d’expression est la parole, non la parole abstraite, mais la parole elle-même, qui dans sa structure intime est une œuvre d’art, l’organe adéquat et vivant de la pensée.

D’après ce principe, la division s’établit ainsi : 1o au sommet, la poésie ; 2o au second rang, la musique ; 3o au-dessous, les arts figuratifs ou du dessin (peinture, sculpture, pantomime). Au dernier échelon, la danse. Une place à part est réservée au drame ou à l’art dramatique, l’art universel qui réunit et résume tous les autres arts.

Certes il y a plus d’une objection à faire à cette division. La poésie doit être placée au sommet sans doute ; mais faire dériver tous les arts de la poésie est une méthode peu exacte et même fausse. La marche descendante n’est pas ici la meilleure. Elle est même tout à fait contraire au principe. Celui-ci veut que chaque organe se développe et soit d’abord formé avant que l’on passe à un organe supérieur et à l’ensemble des organes. La méthode ascendante doit être préférée ; c’est la vraie méthode, celle de l’évolution, aujourd’hui admise dans la science.

Quoi qu’il en soit, cette idée d’un système des arts qui soit un véritable organisme, où chaque art, à la fois relié au tout, animé d’un principe unique, et toutefois libre et indépendant, a sa place marquée dans l’ensemble, où la mutualité et la réciprocité, la solidarité existent sans nuire à l’indépendance et à la liberté, est une idée heureuse. C’est l’idée que l’auteur poursuit et cherche à réaliser dans tout son système. Elle a marqué ici sa trace. Tous les esthéticiens depuis s’en sont emparés, comme on peut le constater dans tout le cours de cette nouvelle période de la philosophie allemande,

V

Cette période que nous parcourons offre, on le sait, deux phases distinctes. Ce qui caractérise celle où nous entrons, c’est moins la pensée, qui au fond est la même, que la méthode qui, appliquée à la science entière, prétend la transformer et la constituer. Cette méthode, la dialectique, est une logique nouvelle qui n’atteint pas seulement la forme, mais aussi le fond même de la pensée. Dans le nouveau système est proclamée, comme dans le précédent, l’identité de l’être et de la pensée ; on y suit le développement de l’Idée dans tous