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former à la division ordinaire, celle qui classe les arts d’après les sens ou la faculté auxquels ils s’adressent : 1o arts de la vue, arts figuratifs ou du dessin ; 2o arts de l’ouïe ou des sons, musique ; 3o art de l’imagination sensible, la poésie. Mais cette division vulgaire ne peut lui suffire ; une autre plus philosophique la remplace. Prise dans le développement de l’idéal, elle offre un caractère d’abord tout historique. Elle répond aux trois époques principales de l’art, symbolique, classique et romantique. Il y a un art particulier dont le caractère est d’être surtout symbolique ; cet art, par lequel l’imagination débute, par lequel l’esprit des peuples dans leur enfance symbolise ses idées (en Orient par exemple), est l’architecture. La sculpture vient ensuite, qui est l’art classique par excellence ; les Grecs l’ont porté à sa perfection. Avec les temps modernes commence une série nouvelle, celle des arts romantiques. Elle comprend la peinture, dont l’époque la plus florissante est le xvie siècle, la musique, art principalement moderne. La poésie est l’art universel de toutes les époques.

Cette division historique a été vivement critiquée par les adversaires de Hegel. Les disciples eux-mêmes (Rosenkranz, Th. Vischer) l’ont trouvée incomplète et peu correcte ; elle pèche, disent-ils, contre les règles de la dialectique que le maître lui-même a posées. Aussi se sont-ils efforcés de la corriger, d’en trouver une meilleure.

Examiner et apprécier tous ces essais dépasse la mesure et la portée de ce travail. Ce qui suffit à la tâche que nous avons entreprise, c’est de montrer : 1o que sous la division hégélienne, en apparence tout historique, il y en a une autre essentiellement logique et qui en est indépendante ; 2o que cette classification générale qui est l’application du principe admis comme base d’une division des arts, philosophique, naturelle et méthodique, est non seulement la meilleure, mais dans sa généralité inattaquable ; qu’elle doit rester, qu’elle établit la vraie gradation des arts principaux, que sa base surtout est solide et inébranlable. Il serait aisé de prouver que tout ce qui a été proposé depuis ne fait que la modifier sans en changer les traits essentiels et principaux. C’est seulement ce que nous tenons à mettre en lumière et ce qui suffit à notre thèse, qui est de montrer sur ce point principal les progrès de cette science.

Cinq arts principaux, selon Hegel, distincts et indépendants, forment le système entier des arts distribués et gradués de la manière suivante : 1o l’Architecture ; 2o la Sculpture ; 3o la Peinture ; 4o la musique ; 5o la Poésie.

Le principe qui sert à construire cette échelle des arts et à en marquer les degrés essentiels, la succession et la progression, est,