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On pourrait aussi reprocher à notre auteur son ignorance affectée des interprétations opposées à la sienne ; le point de vue panthéistique, le point de vue réaliste semblent ne pas exister pour lui ; les auteurs dont il parle sont d’ailleurs en général au moins d’une génération antérieure à la nôtre ; des modernes, il ne s’en prend qu’à Ed. Zeller. Mais il faut reconnaître qu’en procédant ainsi il a su éviter les écueils de la polémique pour produire un travail plus original.

Je me contenterai d’indiquer les grandes lignes de ce travail.

Après une introduction où il insiste particulièrement sur le double caractère que lui semble avoir Platon, poète autant que penseur, M. Auffarth pose le problème. L’Idée est représentation, quant au fond et quant à son origine ; eu égard à son contenu, elle ne diffère donc pas de la δόξα ; c’est la forme qui établit la différence, eu égard à la fixité, l’invariabilité, la connexion dialectique des Idées. On pourrait donc définir l’Idée comme une δόξα ἀληθής, et c’est en ce sens aussi que Platon attribue la substance, où οὐσία, à l’Idée.

Ces opinions sont développées et soutenues ensuite dans une étude parallèle du Phèdre, du Phédon et du Banquet. L’Idée est οὐσία ; elle est en même temps un νοητόν ; enfin M. Auffarth cherche à établir que la connaissance de l’οὐσία-νοητόν est liée à l’expérience.

L’étude des trois dialogues est la partie la plus intéressante et la plus suggestive de l’ouvrage ; mais je ne puis entrer dans les détails qu’elle comporte.

Viennent ensuite en appendice, des développements consacrés à la μέθεσις, à la signification des mythes dans Platon, à la doctrine de la réminiscence, à celle de l’immortalité de l’âme, enfin aux rapports réciproques des trois dialogues spécialement étudiés.

Les mythes dans Platon, d’après M. Auffarth, ne sont nullement destinés à combler les lacunes de la connaissance scientifique, à suppléer à l’impuissance de la dialectique ; ce sont des images correspondant à la nature de la pensée à exprimer. C’est ainsi que la doctrine de la réminiscence ne suppose nullement chez Platon la croyance à la préexistence des âmes ; elle ne signifie que l’existence d’un prius logique, nullement physiologique ; non pas d’un principe métaphysique, mais bien de l’à priori transcendantal, de la condition de la possibilité de l’expérience.

Il est remarquable que, sous son habillement kantien, cette conclusion concorde en fait avec celle de l’interprétation panthéistique de Teichmüller.

Sur la question de l’immortalité, M. Auffarth se rapproché aussi singulièrement de cette interprétation, tout en écrivant que l’idée de l’immortalité est pour Platon un postulat éthique pratique.

Remarquons enfin les appréciations suivantes. Le Phèdre, le Phédon, le Banquet forment une trilogie qui répond à la question : Comment pouvons-nous avoir les Idées ? — Nous les avons contemplées ; — nous les avons pensées ; — nous les avons produites. C’est le Banquet qui