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notices bibliographiques

L’expérimentateur s’étant assuré, par la voie qui vient d’être dite, de l’existence de Dieu, désormais élevée à la hauteur d’un fait scientifique, constate que la réconciliation de l’homme avec Dieu et la destruction de la souffrance qu’engendre le mal moral, « seront rigoureusement impossibles tant que le mal ne sera pas détruit lui-même. » Nécessité de la rédemption, sacrifice expiatoire du fils de Dieu, divinité de la Bible, — la troisième partie du travail de M. Lagrange nous développe ces idées avec une ardeur sincère de conviction et sur le ton du sermon.

Avec un peu de malice, on pourrait résumer cette dissertation édifiante dans la formule suivante : Pour croire au christianisme, commencez par devenir chrétien, — Se borner à un pareil jugement serait cependant se montrer dur pour un homme que son zèle de chrétien et de protestant orthodoxe à seul porté à prendre la plume. M. Lagrange n’est ni un philosophe ni un théologien ; c’est un mathématicien et astronome distingué. Nous voyons sans aucune peine qu’il est en même temps un croyant du meilleur teint et passe par-dessus les difficultés avec une candeur d’ignorance qui désarme la critique. Comme nous l’avons dit en commençant, ce qu’il y a à retenir de cet essai peu expérimenté, c’est l’aveu du scepticisme que le public professe de plus en plus à l’endroit de l’appareil de preuves de la philosophie traditionnelle.

M. Vernes.

Dr August Auffarth. — Die platonische Ideenlehre Berlin, Ferd. Dümmier, Harrwitz et Gossmann, 1883, in-8o, 123 pages.

La doctrine platonicienne des Idées constitue un problème que nul ne peut se vanter d’envisager sous toutes ses faces ; il faudrait deux conditions également difficiles à remplir : se défaire de toutes les habitudes d’esprit d’origine moderne et se replacer dans le milieu intellectuel d’Athènes, à vingt-trois siècles de distance ; avoir un génie égal à celui de Platon.

Les interprètes de la théorie des Idées sont donc pour ainsi dire obligés de se contenter d’un point de vue partiel, qui leur permet de classer cette doctrine dans telle ou telle subdivision de tel ou tel système moderne. C’est à peu près le seul moyen de se faire comprendre au reste, sinon de bien comprendre Platon.

Naturellement, des divers points de vue que l’on peut prendre ainsi, d’un est plus juste que l’autre. Mais le sujet est si complexe qu’on a même à apprendre en se plaçant au point de vue le plus éloigné sans doute du véritable platonisme ; on arrive ainsi à mettre en lumière des connexions qui autrement seraient restées obscures.

Ainsi M. Auffarth — un disciple de Cohen — fait de Platon un idéaliste critique, de la pure école kantienne, Je ne crois point qu’il soit possible d’adopter une opinion plus insoutenable en fait ; et cependant sa brochure présente un intérêt réel, même pour qui est le moins disposé à accorder le point de départ,