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chauffé, le mercure gagne pour l’oxygène une amitié qu’il ne ressentait pas auparavant, et que, surchauffé, il redevient pour lui un ennemi ou tout au moins un indifférent. Le mercure métallique ne se prend à aimer l’oxygène qu’entre 300 et 600 degrés. Entre ces limites, peut-on dire qu’il est le même corps qu’en dehors de cet limites ?

Suivant qu’on les chauffe ou qu’on les refroidit, qu’on les expose à la lumière ou à l’obscurité, qu’on les comprime ou qu’on les dilate, qu’on les fluidifie ou qu’on les solidifie, qu’on les électrise positivement ou négativement, qu’on les divise ou qu’on les laisse en masse compacte, qu’on les soumet où qu’on les soustrait à la présence de telle où telle substance, les corps de la nature revêtent des propriétés diverses, le plus souvent opposées. Or les corps pour nous se distinguent par leurs propriétés et non par autre chose. C’est donc en vertu d’un raisonnement, et non en vertu de l’expérience, que nous croyons à la permanence d’un certain substratum susceptible de prendre différents aspects.

Tout bien considéré. — peut-on le méconnaître ? — l’oxygène tel qu’il est dans l’air atmosphérique, n’est pas le même que l’oxygène mis en contact avec le potassium, ou bien que l’oxygène chauffé et mis en présence de l’hydrogène ou du charbon. Ce sont là, on peut le dire, autant de corps différents. On ne songerait même jamais à les qualifier autrement, si l’expérience, comme on l’a dit plus haut, ne venait nous montrer qu’on peut les transformer les uns dans les autres sans perte ni addition de matière.

Notre analyse ne doit pas s’arrêter là. Le mercure chauffé au contact de l’air s’empare de l’oxygène, mais l’oxyde de mercure refroidi n’abandonne pas son oxygène. La physique a expliqué ce double phénomène d’une manière satisfaisante. Le mercure, en s’échauffant, à absorbé de la chaleur, tandis qu’en s’oxydant il en a dégagé plus qu’il n’en a absorbé. Voilà pourquoi il faut lui rendre de la chaleur pour lé remettre dans son état primitif. Par conséquent, le mercure métallique est lé produit de la combinaison de sa substance avec une certaine quantité de travail potentiel.

Or le travail potentiel peut se transformer de lui-même en forcé vive qui se dégage, mais on ne peut joindre de nouveau à un corps du travail potentiel qu’à la condition de transformer en forée vive une autre quantité plus grande de travail potentiel. Les affinités et les attractions de toutes natures sont du travail potentiel. La satisfaction des affinités se fait aux dépens de ce travail. La somme du travail potentiel disponible va donc diminuant ; l’univers se transforme sans cesse, sa composition se modifié, et, si l’on peut dire de