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L’ARCHEOLOGIE ET LA STATISTIQUE


J’ai eu plusieurs fois occasion d’indiquer ici une certaine vue systématique de l’histoire et de la science sociale, où les idées d’invention et surtout d’imitation jouent le plus grand rôle, et que je rappellerai sommairement, plus loin. Mon dessein à présent est de montrer que deux sortes de recherches bien distinctes, les études archéologiques et les études statistiques, sont conduites inconsciemment, au fur et à mesure qu’elles se frayent mieux leur voie utile et féconde, à envisager les phénomènes sociaux sous un aspect semblable au nôtre, et qu’à cet égard les résultats généraux, les traits saillants de ces deux sciences ou plutôt de ces deux méthodes si différentes présentent une remarquable concordance, une similitude inaperçue. Considérons d’abord l’archéologie.

I

Si des crânes humains sont trouvés dans un tombeau gallo-romain ou dans une caverne de l’âge de la pierre, à côté d’ustensiles divers, l’archéologue retiendra les utensiles et enverra les crânes à l’anthropologiste. Pendant que celui-ci s’occupe des races, celui-là s’occupe des civilisations. Ils ont beau se côtoyer ou s’entre-pénétrer, ils n’en sont pas moins radicalement différents, autant qu’une ligne horizontale peut l’être de sa perpendiculaire, même à leur point d’intersection. Or, de même que l’un, ignorant totalement la biographie de l’homme de Cro-Magnon ou de Néanderthal qu’il étudie et ne s’en souciant guère, s’attache exclusivement à démêler de crâne en crâne, de squelette en squelette, un même caractère de race, reproduit et multiplié par l’hérédité à partir d’une singularité individuelle jusqu’à laquelle il s’efforcerait d’ailleurs en vain de remonter l’autre pareillement, sans savoir les trois quarts du temps le nom