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clairement que, chez des individus de la même race, les traits de similitude, dus à l’hérédité, l’emportent toujours sur les traits de dissemblance, — Eh bien, pour une raison analogue, si maintenant nous passons du monde vital au monde social, nous sommes toujours frappés, en parcourant les tableaux ou les statues de nos peintres et de nos sculpteurs contemporains dans nos expositions, en lisant nos écrivains du jour dans nos bibliothèques, en observant les manières, les gestes, les tours d’esprit de nos amis et connaissances dans nos salons, nous sommes toujours et exclusivement frappés en général de leurs différences apparentes, nullement de leurs analogies. Mais quand, au Musée Campana, nous jetons un coup d’œil sur les produits de l’art étrusque, quand dans une galerie hollandaise, vénitienne, florentine, espagnole, nous voyageons pour la première fois à travers des peintures de la même école et de la même époque, quand, dans nos archives, nous parcourons des manuscrits du moyen âge, ou que, dans un musée d’art rétrospectif, les exhumations des cryptes égyptiennes s’étalent à nos yeux, il nous semble que ce sont là autant de copies à peine discernables d’un même modèle, et qu’autrefois toutes les écritures, toutes les façons de peindre, de sculpter, de bâtir, toutes les manières de vivre socialement, à vrai dire, se ressemblaient à s’y méprendre dans un même temps e un même pays. — Encore une fois, ce ne peut être là une apparence mensongère, et nous devrions, par analogie, reconnaître que, même de nos jours, nous nous imitons infiniment plus que nous n’innovons. Ce n’est pas une médiocre leçon à retirer des études archéologiques. Dans un siècle, à coup sûr, presque tous ces romanciers, ces artistes, ces poètes surtout, la plupart singes ou plutôt lémuriens de Victor Hugo, dont nous vantons naïvement l’originalité, passeront, et à bon droit, pour de serviles copistes les uns des autres.

Nous avons essayé d’établir succinctement dans un précédent travail que toute ou presque toute similitude sociale dérive de l’imitation, comme toute ou presque toute similitude : vitale a pour cause l’hérédité. Ce principe si simple a été implicitement accepté, à l’unanimité, par les archéologues de notre siècle, comme fil conducteur dans le très obscur labyrinthe de leurs immenses fouilles souterraines ; et l’on peut pressentir par les services qu’il leur a rendus ceux qu’il est appelé à leur rendre encore. Un vieux tombeau étrusque décoré de fresques est découvert. Comment apprécier son âge ? Quel est le sujet de ses peintures ? On résout ces problèmes en signalant les similitudes, légères et insaisissables parfois, de ces peintures avec d’autres d’origine grecque, d’où l’on conclut immédiatement que la Grèce était déjà imitée par l’Étrurie à l’époque où ce caveau fut