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de cour intérieure caractéristique des édifices péruviens. Il pourrait en résulter simplement que l’atrium et le cloître ressemblent à cette cour comme l’Achillea millefolium, qui est une composée, ressemble à une ombellifere. Mais n’oublions pas que, depuis Humboldt, d’après lequel les cosmogonies, les hiéroglyphes, les institutions, les monuments des peuples de l’Amérique et de l’Asie attestaient des communications fréquentes entre les deux mondes bien des siècles avant Christophe Colomb, toutes les nouvelles découvertes des archéologues américains, confirmées par celles des anthropologistes, sont venues, dit M. de Nadaillac (p. 540), justifier son assertion. Sans parler de la ressemblance qui existe entre les races mongoliques et les habitants du nord-ouest de l’Amérique, citerai-je les quasi-Bouddhas des bas-reliefs de Palenqué, ou les pipes ornées d’images d’éléphants, animal inconnu en Amérique, sculptées par les Mound-Builders, ce peuple mystérieux et détruit dans un passé inassignable, qui a couvert de ses terrassements symétriques une partie de l’Amérique du Nord ? Rappellerai-je les canaux des Mound-Builders, les systèmes d’irrigation et les procédés agricoles des Incas, où l’influence de la Chine semble visible aussi bien que dans l’assujettissement méthodique et méticuleux à un despotisme paternel ? Ainsi, loin de pouvoir être invoquée contre nous, l’archéologie américaine illustre brillamment notre thèse de tout à l’heure sur la force d’expansion imitative inhérente dès les premiers temps à toutes les idées civilisatrices. Et, par la rareté en définitive des points de ressemblance constatés par elle entre les civilisations qui ont fleuri sur les deux continents, malgré la communauté presque démontrée de leur origine, elle confirme le penchant à la divergence incessante (jusqu’à un certain point, et non au delà, comme nous le verrons plus loin) que nous devons attribuer aux civilisations-sœurs comme conséquence du principe que les besoins naissent des inventions encore plus que celles-ci de ceux-là et du fait que les inventions postérieures à leur séparation ont eu, elles aussi, un caractère accidentel dans une large mesure. La profonde originalité des antiquités mexicaines ou péruviennes dans leur ensemble n’aura donc pas lieu de nous étonner, ni la géométrique bizarrerie de ces Mounds énigmatiques aussi singuliers parmi les monuments que peuvent l’être les diatomées parmi les plantes.

Obligés, pour rattacher l’inconnu au connu, de chercher dans les analogies les plus lointaines, les plus inappréciables à l’œil profane, en fait de formes, de styles, de scènes, de légendes figurées, de langues, de costumes, etc., le secret des générations disparues, les archéologues se sont exercés à en découvrir partout d’inattendues,