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ANALYSES.hartmann. Die Religion des Geistes.

d’affection personnelle. Par la perspective transcendante d’une unité réelle avec Dieu, qui d’ailleurs demeure également contradictoire pour l’avenir et pour le présent, le théisme dépose involontairement que la sorte de rapport religieux qu’il peut présenter effectivement à la conscience humaine, n’est pas et ne peut pas être la véritable nature du rapport religieux et que l’idéal du rapport religieux ne peut être considéré comme réalisé que par l’unité effective avec Dieu. »

Or, prétend M. de Hartmann, ce que le théisme relègue dans l’ « au delà » est précisément ce qu’une observation impartiale de la conscience religieuse montre réalisé effectivement dans l’homme. Les présuppositions dogmatiques du théisme ne correspondent pas aux faits constatés par l’expérience, elles sont donc condamnées et doivent céder la place à d’autres. De quelle manière Dieu doit-il être conçu pour accommoder la théorie aux faits ? — Dieu doit d’abord posséder la spiritualité, parce qu’ « une essence spirituelle peut seule exercer des fonctions spirituelles » ; il ne doit pas, d’autre part, avoir de conscience propre et de personnalité « si l’on veut maintenir l’identité fonctionnelle de la grâce et de la foi ». C’est seulement « quand on renonce à attribuer à Dieu une conscience propre, différente de la conscience humaine, et une personnalité propre qui s’oppose à la personnalité humaine, qu’on peut réaliser les exigences de la conscience religieuse, qui veut que nous vivions, que nous mourions et que nous soyons en Dieu, et qu’il soit en nous, comme nous sommes en lui. »

La « métaphysique du sujet religieux » comporte une anthropologie religieuse et une cosmologie religieuse. M. de Hartmann établit dans la première que l’homme à la fois a besoin du salut et qu’il est capable de l’atteindre. Voici les anneaux de sa pensée : Le pessimisme est un postulat de la conscience religieuse. Soit l’illusionisme, soit le monisme abstrait sont insuffisants comme fondement de la religion de salut. Le déterminisme psychologique et le monisme concret sont les conditions nécessaires de la possibilité du mal. La responsabilité est impossible sur la base du fatalisme et du déterminisme, elle n’est possible que sur le terrain du déterminisme psychologique.

Les pages relatives à la « possibilité du mal » nous ont paru particulièrement curieuses. « Le mal, lisons-nous, c’est toute intention ou action qui va à l’encontre de l’ordre moral du monde ou du but objectif qui est sa fin ou, ce qui est la même chose, de la volonté divine. Et l’on se demande immédiatement comment il est possible, sans porter atteinte à l’absoluité divine, de concevoir l’action d’un individu comme allant à l’encontre de la volonté de Dieu ou de l’ordre qu’il a imposé au monde. Le monisme abstrait tient pour l’absoluité de Dieu et fait ainsi de la conception du mal dans l’homme une simple apparence (Spinoza lui aussi), le théisme, tantôt accorde à l’individu la faculté d’agir à l’encontre de la volonté de Dieu, pose l’homme et Dieu l’un vis-à-vis de l’autre comme des acteurs indépendants et supprime par là non seulement l’absoluité de la volonté divine, mais encore celle de son essence même ; tantôt