Page:Ribot - Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome 16.djvu/422

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
418
revue philosophique

maintient l’absoluité divine et fait des hommes de vraies marionnettes, douées seulement d’une apparence de : volonté. Le : monisme abstrait s’accorde avec cette seconde sorte (musulmane) de théisme en soumettant l’activité humaine (peu importe qu’elle soit alors considérée comme illusoire ou comme réelle) à une nécessité qui plane sur elle ; quant à la première sorte de théisme (aristotélicienne-juive-chrétienne), elle donne à l’homme une liberté de décision indépendante de son individualité naturelle organico-psychique, liberté qui, dans son dernier fond, n’est déterminée ni du dedans ni du dehors ; mais, en même temps, elle rend impossible à Dieu de prévoir les conséquences de la décision libre que l’homme doit prendre et de la combattre autrement que dans ses suites. Le fatalisme anéantit la possibilité du mal, en tant que l’homme ne fait que réaliser dans son activité la décision antérieure d’un fatum qui lui est extérieur, et à l’égard duquel toute tentative de révolte est impossible ; l’indéterminisme anéantit la toute-science et la toute-puissance de Dieu au profit de la créature, comme si Dieu s’était dépouillé lui-même de son absoluité (comme dans le christianisme) ou comme s’il ne l’avait jamais possédée (comme dans l’aristotélisme). L’idée chrétienne de la « tolérance » du mal par Dieu ne signifie pas autre chose que ceci : la décision volontaire libre de l’individu limite sans doute l’absoluité de la volonté et de la connaissance divines, mais la limite avec le consentement de Dieu, c’est-à-dire que Dieu s’est dépouillé lui-même et volontairement de son absoluité dans la mesure précisément où il a conféré à ses créatures une liberté indéterminée. »

Après cette critique, si nette et vigoureuse, des principales solutions historiques, M. de Hartmann donne sa propre façon de voir. Pour que individu ne soit pas déterminé du dehors et pour qu’il ne soit pas davantage indéterminé, il faut qu’il se détermine lui-même et de telle façon que cette détermination personnelle tombe en dedans du domaine de la science et de la volonté divines ; le « vrai moyen terme entre le le fatalisme et l’indétérminisme », c’est le déterminisme psychologique, de même que le « vrai moyen terme entre le monisme abstrait et le théisme », c’est le monisme concret, qui affirme également l’unité de tout ce qui existe en Dieu et la réalité d’une pluralité d’êtres les uns par rapport aux autres. La volonté et la connaissance de l’individu ne sont que des « fonctions partielles » de la volonté et de la connaissance absolues ; c’est dans l’ « actualité » absolue de l’essence divine et non en eux-mêmes qu’ont leur subsistance « les groupes constants de fonctions qui constituent la réalité de l’individu ». En partant de pareilles présuppositions métaphysiques, on peut arriver à concevoir : qu’une volonté individuelle soit vraiment individuelle, tout en étant un « moment » dans la volonté absolue ; qu’elle soit « l’affirmation d’un individu réel, sans être une limitation de l’absoluité de la connaissance et de : la volonté divines. ».

Mais alors on se demandera comment une volonté individuelle, « qui est en même temps un moment de la volonté absolue », peut aller à