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en ce qui concerne les divers segments de la rétine, que le temps de la réaction est plus court pour la vision directe que pour la vision indirecte et Charpentier a établi qu’il est d’autant plus long qu’on s’éloigne plus du centre. M. Buccola a repris la question et institué une longue série d’expériences relatives cette fois à l’organe tactile et est arrivé à cette conclusion importante : « Ce n’est pas toujours l’excitation des parties les plus éloignées du centre psychique qui détermine les réactions les plus lentes ; mais la brièveté de la période physiologique est visiblement constante, si la zone cutanée excitée est apte à un prompt exercice du pouvoir tactile. Cette loi peut se formuler plus clairement ainsi : Il existe un rapport intime entre le sens local et le temps de la réaction » (p. 245). Cette loi chronométrique s’accorde avec la loi physiologique énoncée par Vierordt : que plus une partie de notre corps est capable de mouvements, plus la représentation topographique que nous en avons est précise.

Passons maintenant de la mesure des actes psychiques les plus élémentaires à celle des processus mentaux les plus élevés et les plus complexes, d’abord le temps du discernement et de la volition consécutive, Depuis les premières expériences faites par Donders, en 1868, ce sujet a été fort étudié. M. Buccola a fait deux séries de recherches, sur le tact et sur la vision, en mesurant le temps nécessaire pour discerner la localisation tactile, pour distinguer deux couleurs et pour faire un choix. En étudiant le temps du discernement entre deux impressions de contact exercées sur deux parties diverses du corps, la trouvé que ce temps est moindre si l’on excite un point dont le sens local est très fin. Pour une excitation sur l’avant-bras, région où le sens local est assez obtus, il faut environ onze millièmes de seconde de plus que si l’on agit sur l’extrémité du bras, où le sens local a une très grande précision. En ce qui concerne la durée du discernement entre deux couleurs le bleu et le vert, il trouve le temps moyen pour la réaction aux couleurs = 0,176 ; pour la réaction avec discernement = 0,228. D’où il conclut par une soustraction que le temps du discernement seul est 0,052. — En compliquant l’expérience, il a déterminé le temps du choix simple. En voici les résultats : Réaction avec discernement = 0,228 ; avec discernement et choix = 0,294 ; choix = 0,066. L’acte de discernement et l’acte de choix sont plus courts pour le sens du tact que pour celui de la vue. D’après notre auteur, la différence entre le temps de choix simple et celui de choix compliqué serait = 0,109 (p. 274).

Les variations de la durée du discernement et de la détermination volontaire sont ensuite étudiées. L’auteur résume les expériences de Krœpelin, dont il a été longuement parlé ici[1]. Pour sa part, il a fait deux expériences nouvelles sur la sensibilité tactile, en causant l’hyperesthésie d’une zone cutanée, par des moyens artificiels (application

  1. Tome XIV, 579.