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NOLEN. — les logiciens allemands

soucieux que Kant et Hegel d’embrasser et de concilier les formes multiples de la connaissance, et de faire reposer sur l’unité de l’esprit, qui les engendre toutes, la synthèse harmonieuse de leurs différences. L’Allemagne a donc gardé de l’école de Kant comme de celle de Hegel, de l’idéalisme critique comme de l’idéalisme absolu, le besoin de rattacher les théories logiques à l’analyse des premiers principes ; et la théorie de la connaissance (Erkenntnisstheorie) paraît à la plupart de ses philosophes l’indispensable complément ou le préliminaire obligé des études logiques, comme autrefois la critique et la métaphysique[1]. — Ce n’est pas seulement par cette ténacité de la curiosité spéculative, que se manifeste l’originalité de la logique allemande contemporaine. À la hardiesse métaphysique qui pousse jusqu’aux dernières conséquences des principes, qui ne recule pas plus devant l’extrémité du doute que devant celle de l’affirmation, et va même jusqu’à satisfaire la pensée aux dépens de la réalité, se joint naturellement la hardiesse pratique qui n’hésite devant aucune extension nouvelle des méthodes consacrées, et qui, une fois convaincue, par exemple, de la vérité du mécanisme, en poursuit intrépidement l’application à toutes les formes de la réalité, au monde des organismes et de la conscience comme à celui de la matière : témoin les entreprises de la méthode évolutioniste, de la psycho-physique et de la sociologie entre les mains de Hæckel, de Fechner et de Lilienfeld.

Le génie français, plus épris de mesure et de clarté que le génie allemand, et moins obstinément pratique que le génie anglais, n’aime pas plus en logique qu’ailleurs à se désintéresser des questions de principe ni à perdre de vue les applications de la science. Mais, tandis que la préoccupation métaphysique domine surtout chez nous les philosophes de profession, les questions de méthode sont surtout agitées par les esprits formés à l’école de la science, comme les Duhamel et les Cournot. C’est sans doute pour n’en pas chercher d’autre cause, que le développement des théories logiques est solidaire des progrès de la science, et que la connaissance de ces derniers exige une culture appropriée, qui n’est malheureusement pas dans les traditions de notre préparation philosophique.

Quoi qu’il en soit de la diversité des tendances de la logique con-

  1. Lotze, Logik, 1re édition, 1843 ; 2e édition, 1874. — Lange, Logische Studien, 1877. — Duehring, Logik und Wissenschaftstheorie, 1878. — Sigwrart, Logik, 2 vol., 1878. — Schuppe, Erkenniniss-theorelische Logik, 1878. — Bergmann, Allgemeine Logik, 1879. — Wundt, Logik : eine Untersuchung der Principien der Erkenntniss und der Methoden wissenschaftlicher Forschung (1er volume, Erkenntnisslehre, 1880).