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TARDE. — l’archéologie et la statistique

ou sur le suicide se traduise annuellement par des chiffres à peu près égaux, rien de moins merveilleux, après ce qui vient d’être dit. Il en est des vieilles institutions passées dans le sang d’un peuple, comme des causes naturelles, le climat, le tempérament, le sexe, l’âge, la saison, qui influent sur les actes humains pris en masse avec une si frappante uniformité (bien exagérée pourtant et bien plus circonscrite qu’on ne le croit généralement) et avec une régularité tout autrement remarquable encore sur les faits vitaux, tels que la maladie ou la mort. Et cependant, même ici, que trouvons-nous au fond de ces séries uniformes ? Voyons ; ce sera une courte digression. La statistique, par exemple, à révélé que, de un a cinq ans, la mortalité est toujours trois fois plus grande dans nos départements riverains de la Méditerranée que dans le reste de la France, ou du moins que dans les départements les plus favorisés. L’explication du fait se trouve, paraît-il, dans l’extrême ardeur du climat provençal pendant l’été, saison aussi nuisible à la première enfance (encore une révélation de la statistique contraire au préjugé) que l’hiver l’est à la vieillesse. Quoi qu’il en soit, le climat intervient ici comme une cause fixe, toujours égale à elle-même. Mais le climat, qu’est-ce, sinon une entité nominale, où s’exprime un certain groupement des réalités suivantes : le soleil, radiation lumineuse qui tend à s’épanouir indéfiniment dans l’illimité des espaces et que l’obstacle de la terre contrarie en l’arrêtant ; les vents, c’est-à-dire des fragments de cyclones plus ou moins définis qui tendent sans cesse à s’élargir, à s’espacer sur tout le globe, et ne sont arrêtés que par des chaines de montagnes ou d’autres cyclones heurtés ; l’altitude, c’est-à-dire l’effet de forces souterraines de soulèvement qui aspiraient à une expansion sans fin de la croûte terrestre, heureusement résistante ; la latitude c’est-à-dire l’effet de la rotation du globe terrestre encore fluide dans ses efforts impuissants pour se contracter de plus en plus et se rapprocher du soleil ; la nature du sol, c’est-à-dire des molécules dont les affinités, toujours incomplètement satisfaites, s’exercent autour d’elles vainement, et dont l’attraction, s’exerçant à toute distance, tend à d’impossibles contacts ; la flore enfin dans une certaine mesure, c’est-à-dire diverses espèces ou variétés végétales dont chacune, mécontente de son cantonnement, envahirait de ses exemplaires innombrables le globe tout entier, si la concurrence de toutes les autres ne réfrénait son avidité.

Ce que nous disons du climat, nous pourrions le dire aussi bien de l’âge, du sexe et des autres influences d’ordre naturel. — En somme, physiques ou vivantes, toutes les réalités extérieures nous donnent le même spectacle d’ambitions infinies, irréalisées et irréali-