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REVUE DES PÉRIODIQUES


Philosophische Monatshefte.
XVIII, 1882.

H. de Struve. Psychologie de la moralité. — Toute éthique scientifique doit nécessairement avoir à sa base la psychologie de l’individu ; les moralistes anglais et Hartmann l’ont définitivement prouvé, bien que les considérations de psychologie ethnologique et les raisonnements métaphysiques de ce dernier risquent fort de n’avoir aucune portée.

Il faut avant tout distinguer des jugements esthétiques et logiques les jugements moraux, qui portent spécialement sur l’acte lui-même et le processus de l’âme antérieur à sa réalisation ; ils sont en quelque sorte jugements de la volonté, s’élevant pour ou contre une action, éprouvant pour elle de la sympathie ou de l’antipathie, — Mais quelle est la règle morale selon laquelle le jugement se formule ? Quelle qu’elle soit, elle suppose la subordination du particulier au général ; il reste à préciser le sens de cette subordination et à interpréter ce général.

La subordination, dans le domaine moral, n’est pas nécessaire et fatale, comme dans la nature ; elle ne se réalise que par la coopération toute libre du particulier. Au sens psychologique, un acte est moral lorsqu’il n’est pas une apparition isolée et arbitraire, mais qu’il se groupe avec les autres, sous et dans la norme générale ; — un être est moral lorsque toute sa vie durant, il se range sous la loi générale qu’il cherche à réaliser ; c’est la même loi psychique qui, dans l’ordre de la pensée, du sentiment et de la volonté, régit l’ensemble des manifestations. Au début, les manifestions de la volonté, dérivant immédiatement de motifs, de mobiles, de représentations sans nombre, se présentent comme des phénomènes sans lien, nés au hasard de l’impulsion des forces extérieures. Mais l’être le plus primitif a déjà des buts généraux auxquels ses actions se subordonnent ; c’est le premier degré de la moralité. Puis elle se développe graduellement. L’ordre extérieur et intérieur de la nature et de la société contraint la volonté à subordonner l’arbitraire à la règle ; il naît une contrainte intérieure, le sentiment du devoir ; ainsi se réalise la subordination du particulier au général.

Quant au contenu de cette norme morale, il varie avec les degrés de l’évolution de la moralité. Chez l’homme primitif et l’enfant, ce n’es que la puissance physique que la volonté veut se concilier, Plus tard, on conçoit cette puissance générale comme douée de forces spirituelles