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MARION. — james mill

seconde est encore plus nécessaire. Comme il serait ruineux pour moi d’avoir à supporter tout le poids de la maison, évidemment il faut que je la quitte. Je vais vous expliquer les projets que j’ai faits à part moi, et j’espère que vous les approuverez. L’été prochain, j’irai avec ma famille en Écosse faire à mes parents et amis une visite que jusqu’ici j’ai différée pour rester avec vous, au point de les offenser tous. Puis, comme depuis longtemps mes amis savent que j’avais l’intention de faire un séjour en France aussitôt que la paix le permettrait, je partirai pour ce pays avant l’hiver. Cela ne surprendra personne, parce qu’il y a longtemps que j’ai parlé de ce projet parce qu’aussi le développement de ma famille et mon peu de fortune rendent de plus en plus désirable et même indispensable pour moi une résidence à bon marché. Si cela vous agrée, je vous proposerai donc de me laisser la maison de Queen Square jusqu’à la fin du semestre qui suivra Noël ; cela vous donnera le temps d’en disposer et me permettra de prendre mes arrangements.

« Comme je vous propose tout cela très sincèrement, en vue de sauver notre amitié, — et dans mon opinion c’est le seul moyen de faire, je crois qu’après cette explication nous devrions dorénavant agir l’un envers l’autre sans aucune allusion au passé, causer ensemble, nous promener ensemble, le regard fixé uniquement en avant, jamais en arrière, et faire enfin comme si cet arrangement était le résultat de l’entente la plus amicale. Nous pouvons parler de nos études et de toute autre chose, comme s’il n’y avait jam ais eu un nuage ; de cette façon, non seulement nous serons plus agréables l’un à l’autre pendant le peu de temps que nous serons ensemble, mais nous éviterons les remarques malveillantes. Pour ma part, j’ai déjà fait tous mes efforts pour dissimuler, mène à ma femme, qu’il y avait entre nous quelque froideur J’ai bon espoir de voir l’intérêt que nous trouvons dans la société l’un de l’autre se raviver par la pensée qu’il y a une limite à ce plaisir. Cette pensée contrebalancera les effets d’une intimité trop longue et ininterrompue, que j’accuse d’être la source principale de votre mécontentement. Car le fait d’être sorti quelquefois à cheval le matin avec M. Hume (pour profiter de ses chevaux et voir un peu le pays) au lieu de me promener à pied avec vous, ce fait, cause apparente de votre grande contrariété, est tellement hors de proportion avec l’effet qu’il a produit sur vous, que votre mécontentement doit avoir été préparé par d’autres causes et n’avoir trouvé là qu’une occasion d’éclater.

« Je reste, mon cher maître et ami, avec une estime à laquelle rien