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main[1]. Il commence en 1822 son Analysis of the Human Mind, à laquelle il consacra, dit son fils, ses vacances durant six années consécutives[2]. À la dissertation de Mackintosh On Ethical Philosophy, il répondit par le véhément Fragment on Mackintosh, où il repoussait avec une ironie impitoyable des attaques à la fois très vives et très légères contre Helvétius et contre l’École de Bentham.

Le cercle de ses amis s’était agrandi. George Grote, Molesworth, Macaulay, pour ne parler que des plus illustres, avaient été attirés tour à tour par la vigueur de son esprit, la solidité et la droiture de son caractère. Avec Macaulay en particulier ses relations lui font honneur. Son fameux article Governement avait été de la part du jeune historien l’objet d’une vive critique dans la Revue d’Edinburgh ; à la politique toute rationnelle, au radicalisme à priori du philosophe, l’historien avait opposé sous la forme la plus brillante une politique libérale aussi, mais fondée sur le respect de la tradition nationale et les enseignements de l’histoire. Tout en regimbant sous la critique, Mill apparemment reconnut dans son adversaire les sentiments qui l’animaient lui-même, amour du bien public, souci de la justice, foi vive dans la liberté : peu de temps après, il exprimait pour lui sa haute estime et contribuait à le faire nommer membre du grand conseil chargé de préparer le nouveau code des Indes.

Il ne se faisait rien dans le groupe des philosophes et des politiques libéraux que Mill ne fût à l’œuvre des premiers : l’Athenæum Club, la Société pour la diffusion des connaissances utiles le comptèrent parmi leurs fondateurs ; toute publication périodique destinée à agiter, dans l’esprit le plus hardi, les questions de politique et de philosophie sociale était assurée de son concours : telle la Parliamentary History and Review, dans laquelle il demanda résolument l’extension du corps électoral et le scrutin ; telle la Revue de Westminster (fusionnée bientôt avec la Revue de Londres) ; où il écrivit tour à tour sur presque tous les points du programme radical. Une critique acerbe de la « politique de bascule », soutenue par la Revue d’Edinburgh, ouvrit le feu ; il avait pu marcher d’accord avec cet organe sur les questions d’économie politique, sur celles du com-

  1. Dans une lettre de 1823, il recommande à son ami Thomson M. Louis Say, frère du célèbre économiste et lui-même chef d’une grande industrie, désireux de visiter les principales manufactures d’Angleterre. Mill tenait à répondre par son bon accueil aux politesses que son fils John avait reçues peu auparavant dans la maison de J.-B. Say, à Paris.
  2. Ces vacances étaient de six semaines ; il les passait à la campagne, non loin de Dorking, où sa famille était installée la moitié de l’année et où lui-même, tout l’été, venait chaque vendredi, pour ne rentrer à Londres que le lundi.