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MARION. — james mill

de la représenter et de défendre ses intérêts, tant auprès du gouvernement que devant des commissions parlementaires. Cette mission difficile, il s’en acquitta à son honneur, décidant tout d’abord la Compagnie à sacrifier spontanément ce qui lui restait de son monopole, puis faisant introduire dans la réorganisation du gouvernement de l’Inde une partie des réformes fiscales et judiciaires qu’il avait réclamées comme historien.

V

C’est une chose à noter que ce solide esprit, pendant qu’il prenait rang par la sûreté de son jugement pratique entre les premiers hommes d’affaires de son temps, ne cessa pas un instant de penser et d’agir en philosophe, de se conduire d’après les principes généraux et les considérations d’ordre public qui l’avaient inspiré comme écrivain. Bien plus, les affaires proprement dites, en lui apportant la fortune avec les grandes occupations et les grandes responsabilités, ne modifièrent en rien son activité comme penseur, sa liberté hardie comme polémiste.

Les questions générales, le pur travail de la pensée (appliqué, il est vrai, aux choses morales et sociales), étaient de sa part l’objet d’une telle prédilection, que, entré déjà à la Compagnie des Indes et certain de l’avenir qu’elle lui réservait, il songea sérieusement à la quitter pour la chaire de philosophie morale à Edinburgh. Déjà, au moment d’y entrer, il s’était demandé s’il ne briguerait pas de préférence la chaire de grec qui se trouvait vacante à l’université de Glasgow ; mais son élection était fort douteuse à cause de ses opinions politiques, et il avait aussi quelque scrupule, à l’idée de signer la Confession de foi. — Un réel désintéressement, un goût dominant pour les choses de l’esprit sont donc des traits certains de son caractère, d’autant plus honorables qu’il fut plus longtemps aux prises avec les nécessités de la vie.

Ses travaux personnels ne furent, de la sorte, ni interrompus ni ralentis, et la direction n’en fut en rien modifiée par son entrée à la Compagnie des Indes. La dernière période de sa vie (1819-1836) fut aussi active que la première et non moins remplie par la recherche des vérités générales, par le souci de la chose publique. Outre les articles de l’Encyclopædia énumérés plus haut, il donna ses Éléments d’économie politique (1824) et fut, la même année, un des principaux fondateurs du « Political Economy Club », cercle libre échangiste et société de propagande, dont on a les statuts rédigés de sa