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qu’aucun homme n’est omniscient ; et le raisonnement ou la combinaison de jugements, par exemple lorsque, de cette proposition qu’aucun homme n’est omniscient, nous concluons que tel ou tel écrivain, mettons le correspondant d’un journal, n’est pas omniscient.

Un coup d’œil jeté sur cet ordre dans le développement démontrera que les dernières opérations sont de plus en plus complexes. Ainsi la perception est plus complexe que la sensation, puisqu’elle naît d’un groupement de sensations. D’autre part, la conception est plus complexe que l’imagination, puisque les concepts sont formés d’un certain nombre d’images mentales. De même, le jugement est plus complexe que la conception, et le raisonnement que le jugement.

Il faut distinguer entre la simplicité psychologique et la simplicité logique. Psychologiquement, une perception est moins complexe qu’un concept, puisqu’elle est l’élément dont ce dernier est composé. D’autre part, notre connaissance de généralités, de classes et de leurs propriétés abstraites (par exemple l’homme, la forme humaine, l’intelligence humaine) est logiquement plus simple que notre connaissance de choses concrètes individuelles, avec leurs nombreuses particularités (par exemple Jacob Smith, Jean Brown). La connaissance générale simplifie par l’abstraction, c’est-à-dire en ne tenant pas compte des différences individuelles,

À cette complexité plus grande se rattache directement un autre trait de cette série de changements, à savoir une augmentation, d’intériorité, ou d’éloignement du sens externe. La connaissance commence par des impressions du sens externe et finit par le processus interne de la pensée abstraite. Cet aspect du développement se décrit en disant que le mouvement du développement part du présentatif où de ce qui est directement présenté à l’intelligence par l’intermédiaire des sens et aboutit au représentatif, à ce qui est indirectement placé devant l’intelligence sous la forme d’images ou de notions mentales.

En outre, il est évident que cette transition du présentatif au représentatif implique une croissance dans la généralité de la connaissance. Toute connaissance présentative a un caractère individuel. Mais, dans la représentation, nous pouvons réunir beaucoup d’individus et penser à eux comme à une classe. Le progrès de la connaissance va ainsi de l’individuel au général ou du concret à l’abstrait.

Puisque les facultés croissent chacune séparément et en même temps se développent dans un certain ordre, nous voyons que la croissance ou le développement d’une intelligence consiste dans une série de mouvements parallèles, dont quelques-uns commencent