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SULLY. — le développement mental

plus tard que les autres. De même que la croissance d’une plante consiste dans le développement des feuilles, des pétales, etc., quelques parties de l’organisme étant en avance sur d’autres, mais les premières continuant de se développer, quand les dernières viennent de commencer leur développement, de même la croissance d’une intelligence est à la fois une succession et un ensemble simultané de changements[1].

Unité du développement intellectuel. — On a déjà fait remarquer que la psychologie moderne cherche à réduire les différentes opérations de la perception, de l’imagination, etc., à certains processus fondamentaux, parmi lesquels la discrimination et l’assimilation sont les plus importants. S’il en est ainsi, nous pouvons regarder le développement successif des facultés comme un processus continu. Les opérations les plus élevées et les plus complexes de la pensée apparaîtraient ainsi comme étant simplement des modes différents des mêmes fonctions fondamentales de l’intellect qui sont au fond des opérations moins élevées et plus simples de la perception sensorielle. En d’autres termes, la distinction que nous faisons entre le développement d’une faculté particulière et le développement de la somme des facultés apparaitrait comme une distinction superficielle.

Or un peu de réflexion montrera que nous pouvons de cette manière considérer le développement de l’intelligence comme un tout. Ainsi la forme la plus simple de la connaissance, la sensation, implique la distinction des impressions sensorielles ; et la forme la plus élevée de la connaissance, la pensée abstraite, est une manifestation plus élevée de la même faculté. D’autre part, la perception d’un objet unique est un processus consistant à assimiler des impressions présentes à des impressions passées, et la pensée abstraite consiste à assimiler ou à classer de nombreux objets sous certains aspects communs. Nous pouvons ainsi dire que les différentes étapes de la connaissance, la perception, la conception, etc., nous montrent les mêmes activités fondamentales de l’intelligence s’exerçant sur des matériaux de plus en plus complexes (sensations, perceptions, idées, etc.).

Nous venons de voir comment chaque faculté progresse ou se perfectionne et comment on peut considérer le développement successif des différentes facultés simplement comme une croissance continue des mêmes capacités ou fonctions fondamentales. Nous allons maintenant rechercher sur quels principes ou sur quelles lois cette croissance repose et ce qui la détermine.

  1. Sur l’ordre du développement intellectuel considéré dans l’histoire de la race, voy. Principes de psychologie de M. Spencer, vol.  II, 8e part. , ch.  II et III.