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Rapports entre le développement intellectuel, émotionnel et actif. — Jusqu’ici nous avons considéré le développement de l’intelligence de la sensibilité et de la volonté comme des processus indépendants l’un de l’autre. Et jusqu’à un certain point cette vue est correcte. Il faut cependant nous rappeler que l’intelligence est une unité organique et que les processus de la connaissance, de la sensibilité et de la volonté s’impliquent l’un l’autre. Il s’ensuit qu’il y aura une relation étroite entre le développement de ces phases de l’esprit. Ainsi le développement intellectuel présuppose un certain degré de développement de l’émotion et de la volonté. Il n’y aurait point d’acquisition de connaissances si les sentiments connexes (curiosité, amour de la science) et les impulsions actives (concentration, application) n’avaient pas été développées. De même, il ne saurait y avoir de développement dans la vie émotionnelle sans une accumulation considérable de connaissances sur l’hommo.et la nature, et il ne pourrait y avoir de développement de l’activité sans un développement de la sensibilité et l’accumulation d’une provision de connaissances pratiques. L’intelligence peut se développer beaucoup plus fortement dans une direction que dans les autres, mais le développement dans une direction sans aucun développement dans les deux autres est chose impossible.

On peut juger de la connexité entre un côté dû développement et les autres par la relation étroite entre le développement intellectuel d’une part, l’exercice et les progrès du pouvoir de l’attention d’autre part. Comme il a été dit, quoique l’attention soit liée au côté actif ou volitionnel de l’intelligence, elle est un élément général ou une condition des opérations intellectuelles ; cela étant, son développement est impliqué dans le développement de l’intelligence. Ce sont les progrès de cette faculté qui rendent successivement possibles une observation exacte, une reproduction constante, et tout ce que nous entendons par penser.

Cette relation entre une phase du développement mental et les autres phases n’est pas cependant également étroite dans tous les cas. Ainsi le développement de la connaissance implique relativement peu d’éléments émotionnels et volitionnels. Le développement de la sensibilité dans ses formes supérieures implique un développement intellectuel considérable, mais il n’implique pas un degré correspondant de développement volitionnel. Enfin le développement de la volonté dépend beaucoup de celui de nos connaissances et de notre sensibilité. C’est pourquoi dans notre exposé, nous commençons par le développement de la faculté de connaître, et nous passons ensuite à celui de la sensibilité, pour arriver enfin à celui de la volonté.