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SULLY. — le développement mental

agents extérieurs. Examinons d’abord les relations qui existent entre ces agents externes et le processus mental.

Nous avons vu que les matériaux de la vie intellectuelle sont fournis par les sens. Les impressions sensorielles dépendent visiblement de l’action de certains agents externes, de corps émettant des sons, réfléchissant la lumière, etc. De plus, l’ordre des causes physiques dans le temps et dans l’espace déterminera l’ordre de nos perceptions, ainsi que des images et des pensées qui en résultent. Ainsi le fait que dans notre expérience sensorielle un coup de tonnerre suit un éclair sert à déterminer la connexité entre nos images de ces phénomènes et les conceptions scientifiques que nous en avons. Il en est de même en ce qui concerne l’ordre dans l’espace. La position relative de deux pays, de deux étoiles, etc., détermine la manière particulière dont nous nous les représentons mentalement et dont nous y pensons. Dans ces limites donc, l’ordre de nos processus mentaux est déterminé par l’ordre des faits ou événements externes et le reproduit.

Il s’ensuit en outre que tout développement de connaissance indique une adaptation ou une harmonisation plus grande de l’ordre interne avec l’ordre externe. À mesure que le pouvoir représentatif se développe, l’intelligence saisit lès rapports éloignés entre les événements et les choses dans le temps et dans l’espace, la succession des saisons, la coexistence de parties de la surface terrestre éloignées l’une de l’autre, etc. Et la transition entre la représentation particulière ou imagination et la représentation générale ou pensée implique l’adaptation des processus intellectuels à de grands groupes ou classes de faits extérieurs.

Ce qui est vrai du développement de la connaissance l’est également de celui de la sensibilité et de la volonté. La sensibilité s’adapte graduellement au milieu externe. Les choses ou les personnes utiles à l’individu finissent (en règle générale) par être des objets agréables à la sensibilité ou des objets d’affection ; celles qui lui sont nuisibles finissent par être des objets d’aversion. Les sentiments supérieurs et plus représentatifs, tels que le patriotisme, le sentiment de la justice, etc., impliquent une adaptation à des relations externes plus nombreuses et plus étendues. Enfin connaître et sentir poussent à agir. Et dans l’action nous avons le produit final du processus de l’adaptation. En agissant, nous recherchons ce qui est utile et nous évitons ce qui est nuisible. De cette manière, nous réagissons sur notre milieu et nous avançons ainsi l’adaptation harmonieuse des relations internes aux relations externes. Tout développement de la volonté indique une adaptation de plus en plus