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grande aux faits et aux circonstances de la vie. Une conduite prudente diffère d’une conduite irréfléchie, impulsive, par le fait qu’elle implique une représentation de résultats éloignés aussi bien que prochains, une représentation des circonstances permanentes de la vie, autant qu’elles se distinguent des circonstances temporaires.

Action du milieu sur l’organisme nerveux. — Examinons maintenant l’autre partie du processus d’adaptation, l’adaptation des structures nerveuses aux circonstances extérieures. Il est clair que le monde extérieur agit sur l’intelligence par l’intermédiaire de l’organisme nerveux. Les agents physiques, les vibrations connues sous le nom de lumière, de son, etc., agissent sur les structures nerveuses correspondantes et excitent des réactions qui sont accompagnées d’états psychiques. Grâce à l’action répétée et fréquente du milieu sur le système nerveux, celui-ci se modifie graduellement en conformité avec celui-là. C’est ainsi que les connexions nerveuses se forment dans les centres cérébraux correspondant aux relations externes. C’est ainsi que les structures nerveuses se moulent en quelque sorte sur l’ordre extérieur, s’adaptent à la forme ou à la structure du milieu.

Tandis que le développement des structures nerveuses et des activités psychiques qui s’y rapportent peut être considéré de cette façon comme étant déterminé par l’ordre extérieur, il faut prendre garde de tomber dans l’erreur de supposer que nous avons à faire ici à un simple cas d’effets mécaniques, analogues à l’effet de l’action d’un corps sur un autre dans un certain milieu. Le développement des structures nerveuses, quoique déterminé par des arrangements externes, suit les lois particulières du développement organique et nerveux. C’est-à-dire qu’il n’est pas seulement un simple effet des actions externes, et cela est encore bien plus vrai du processus psychique. Quoique lié d’une façon intime au processus du développement nerveux et soumis ainsi à l’action de forces extérieures, il ne peut pas être pris pour un effet complexe indirect d’une telle action. Le développement mental est quelque chose d’une nature tout à fait différente du développement physique et peut seulement être compris au moyen de ses propres lois. Ainsi le pouvoir de retenir, le grand principe fondamental de ce processus, est quelque chose qui a seulement un analogue lointain dans la région des processus organiques. Le réveil d’une impression passée peut être de façon ou d’autre en corrélation avec le fait d’une modification physiologique dans les structures nerveuses qui y prennent part ; mais, quoique ayant pour condition ce fait ou cette circonstance physique, il en diffère