saire un jugement accompagné du souvenir de s’être trompé, du soupçon qu’on pourrait se tromper encore et du désir de voir son avis corroboré par l’assentiment d’autrui[1]. Il ne m’apparaît pas tel. Il n’est pas absurde, je l’avoue, de supposer qu’il le soit pourtant, avec toutes ses nuances et tous ses accessoires ; mais On n’en fournit pas la preuve[2]. L’impossibilité d’atteindre l’objet supposé de la représentation, pour le comparer à celle-ci, est également évidente pour le déterministe et pour l’indéterministe[3]. Celui qui l’a reconnue et qui est, en outre, persuadé que sa représentation ne peut pas être autre qu’elle n’est[4], ne saurait découvrir aucun moyen de discerner l’erreur de la vérité ; cette opposition n’a plus de sens à son point de vue[5]. Ne résultant pas d’une comparaison avec l’objet, qui est impossible, elle se confond nécessairement, si l’on persiste à la maintenir, avec la différence entre une représentation suffisamment prolongée et judicieusement conduite et une représentation hâtive et irrégulière ; mais on ne peut comparer les représentations entre elles sous ce point de vue sans s’attribuer le pouvoir de soutenir et de diriger son attention[6]. Incapable de comparer l’image à son objet, le déterministe qui ne s’attribue aucun pouvoir sur elle n’a point de motif non plus pour la comparer à celles des autres, qui sont aussi nécessairement ce qu’elles sont[7]. Ainsi les catégories de l’erreur et de la vérité disparaissent[8] ; voilà ce que nous avons voulu dire, et nous ne voyons pas qu’on l’ait réfuté.
5o Passant à la portée morale de son point de vue, M. Fouillée estime
- ↑ En quoi le souvenir, la prévision et le désir peuvent-ils rendre un jugement libre ? La prévision et le souvenir le rendent éclairé, le désir le rend passionné.
- ↑ C’est aux partisans du libre arbitre qu’incombe la preuve ; à eux de démontrer la prétendue impossibilité, pour le déterministe, de se souvenir qu’il s’est trompé, d’associer à son opinion actuelle la pensée de l’erreur possible, de désirer la vérité, etc.
- ↑ De quel objet et de quelle représentation s’agit-il ? des objets de science ou des objets de spéculation métaphysique ? M. Secrétan a dit ailleurs : « Faire avancer la science, c’est amener l’uniformité des représentations… Cet accord s’obtient par la vérification. » C’est donc la vérification qu’on prétend interdire aux déterministes ?
- ↑ Elle ne peut être autre au moment où elle est, mais elle peut devenir autre par l’emploi de la méthode. Toujours l’argument paresseux. Déjà M. Secrétan avait dit : « Comment puis-je proposer à quelqu’un de changer d’avis, s’il est vrai que chacun de nous ne puisse penser que ce qu’il pense. »
- ↑ C’est, au contraire, au point de vue de ceux qui font dépendre nos jugements des décisions du libre arbitre que l’opposition de la vérité et de l’erreur n’a plus de sens.
- ↑ Second argument paresseux. Pour le déterministe, l’attention n’est pas moins dirigeable que pour l’indéterministe, mais dirigeable selon des motifs. D’ailleurs, l’attention, libre ou non, n’est pas le jugement.
- ↑ Troisième argument paresseux. Les déterministes peuvent comme les autres comparer leurs représentations : 1o entre elles, 2o avec celles d’autrui, 3o avec les lois générales de l’esprit et de la logique.
- ↑ Oui, dans l’hypothèse où nos jugements dépendent de notre libre arbitre subjectif.