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déduction serrée, parfois bien minutieuse et subtile, et qu’il faudrait, pour la faire comprendre, reproduire dans son entier. M. Steinthal est amené à placer dans la capacité d’aperception » du groupe de représentations qui domine dans un individu l’objectivité et à la fois l’originalité de sa connaissance. La vérité, la santé de l’esprit a pour condition l’étroite connexion de ses groupes de représentations entre eux. D’autre part, la richesse du groupe qui prédomine, sa fréquente reproduction, qui, par l’habitude, lui donne une facilité plus grande à se reproduire, enfin la force d’attraction qu’il exerce sur toute représentation qui survient, et qu’il doit à la puissance de sa masse, — tout cela donne naissance aux degrés dans la force du caractère, aux diverses tournures d’esprit, aux diverses manières de voir en matière de politique, d’art, de religion, variant d’individu à individu, de peuple à peuple, d’époque à époque, avec les groupes de représentations qui l’emportent et qui règnent dans l’esprit (ibid., § 220-278). — En terminant, il étudie la formation et l’arrangement des groupes divers dans l’individu, depuis le premier moment de la vie spirituelle, où les représentations, non encore organisées, se meuvent en masses informes et confuses dans l’âme sans culture, à travers là période, du développement où, d’abord inconsciemment et puis avec conscience, elles se forment subjectivement, s’associent en groupes suivant de simples analogies extérieures, sans connexion essentielle, — jusqu’au moment où l’esprit s’achève, où les groupes se distinguent par des caractères réellement objectifs et viennent s’ordonner hiérarchiquement autour d’un groupe central pour donner naissance à une conception générale du monde (ibid., § 279-322).

Quelque ingénieuse que soit cette théorie atomique de l’âme, où chaque atome matériel, pour ainsi dire, a son analogue dans une représentation, chaque loi des atomes son équivalent dans une loi des représentations, chaque composé d’atomes son équivalent dans un groupe de représentations, ce parallélisme n’en est pas moins artificiel et insuffisant au regard de la réalité. Tous les reproches que l’on a dirigés contre Herbart, le père de cette doctrine, se tournent également contre M. Steinthal, son brillant rénovateur, Avec une prédilection marquée pour les faits d’expérience, il est resté dans la même sphère abstraite ; cette mécanique psychique est impuissante à rendre compte de la vie de l’esprit, dont tous ses efforts n’ont pu sauvegarder l’unité dans ce morcellement infini de ses phénomènes ; ces processus et ces réactions ne peuvent être pris à la lettre et ont tout au plus la portée de métaphores pleines d’esprit, quoique parfois tirées de trop loin ; il a voulu appliquer dans toute sa rigueur, imposer à toutes les manifestations de l’esprit une assimilation préconçue : il a été contraint de faire violence à la réalité pour la faire rentrer dans des cadres abstraits et tracés d’avance.

La fin de la première partie est consacrée aux mouvements corporels qui sont en rapport avec la vie de l’esprit (part. I, v, § 323-366). L’au-