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ANALYSES.h. steinthal. Science du langage.

qu’est l’action de la conscience dans ces manifestations de la pensée, l’inconscient continue de jouer un rôle capital dans le développement de l’esprit, dans les processus volontaires, dans l’art, dans la science elle-même (part I, III, § 121-126).

Ces divers processus, ces diverses actions et réactions que nous avons vues s’accomplir engendrent ainsi, en vertu d’un même mécanisme, des masses, des groupes de représentations en union intime entre elles, variant d’un individu à l’autre, et, par leurs différents arrangements, constituant la diversité des caractères et des esprits. Mais, par suite d’une complication plus intime encore, naissent alors, s’appuyant sur ces degrés réalisés et dépassés, des processus nouveaux, qui sont aux premiers ce que dans la nature les corps composés sont aux corps simples ; nous sommes parvenus à la sphère de l’aperception part. I, iv, § 127-322).

Lorsque, étant donné un groupe de représentations, il surgit une représentation nouvelle, née d’une impression actuelle, ou qu’un groupe entier de représentations nouvelles s’unit dans un esprit à un groupe préexistant pour engendrer une connaissance, la combinaison de ce moment actif, à priori, avec l’autre moment, passif, à posteriori forme l’aperception. Selon la force relative de l’un et de l’autre, c’est l’un ou l’autre des groupes qui triomphe et domine dans le résultat ; il se produit dans l’âme une réaction, un processus de combinaison dont la marche est inconsciente, dont le résultat seul vient s’ajouter à la somme des connaissances acquises, ou les bouleverser entièrement s’il l’emporte sur elles en puissance. Tel est le développement qui s’accomplit aux yeux de l’âme sans qu’elle ait sur lui aucun pouvoir. Par une nécessité absolue, sans qu’elle puisse s’y opposer ou y aider en aucune façon, la représentation nouvelle qui pénètre dans la conscience retentit et l’émeut tout entière ; d’autres processus se mettent en branle, et, fatalement, mécaniquement, la réaction s’opère. — Non point que l’âme soit un pur espace où se jouent les représentations, distinctes de nature et pleinement indépendantes ; les représentations sont ses représentations, elle est tout entière en elles ; elle n’est pas contemplatrice de leurs évolutions, car elles sont sa contemplation même. Ainsi elle assiste elle-même au processus qu’elle réalise, elle connaît le mécanisme qu’elle subit la conscience est immanente aux représentations qui se meuvent, se heurtent, se fondent, s’organisent en cette unité supérieure de l’aperception (ibid., § 127-185).

Il ne nous est point possible de pénétrer dans l’infini détail où entre M. Steinthal dans l’exposition de cette théorie de l’aperception. Après avoir cherché à réduire en formules le mécanisme abstrait de ce processus, en tenant compte des variations possibles de chacun des moments, l’auteur étudie les deux facteurs de l’aperception dans leur lien logique, et la distingue, selon le moment qui prédomine dans la réaction finale, en complémentaire, subsumante, harmonisante, créatrice (id., 186-219). — Tout cela se laisse difficilement résumer, étant dans l’ouvrage d’une