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neux (feu) ; ce feu s’échappe par des soupiraux ménagés à travers l’enveloppe dense et nous apparaît ainsi sous la forme des astres. Que faut-il pour identifier cette description avec celle de Stobée ? Il suffit de considérer chaque intervalle entre deux couronnes successives comme formant lui-même une couronne sombre.

Reprenons maintenant le texte traduit plus haut et discutons-le plus attentivement. Il est clair en effet que la restitution qui précède ne peut correspondre exactement au système exposé par Parménide ; il est malheureusement trop certain d’autre part que l’exposition de l’Eléate, par suite du peu de précision de ses expressions poétiques, donnait facilement lieu à des méprises, et les textes de Stobée n’en sont point exempts.

En premier lieu, la voûte solide qui enveloppe l’univers comme un mur n’appartient point à la doctrine d’Anaximandre, tandis qu’elle semble empruntée au système d’Anaximène. Mais, quoiqu’Empédocle ait plus tard adopté la même conception en s’inspirant peut-être du langage de Parménide, on peut, ce semble, soupçonner une erreur. L’Eléate ne distinguant que deux éléments, une épithète donnée au dense a pu être entendue dans le sens de solide, tandis qu’il est certain, par ce qui est dit de la lune, que l’air obscur était compté comme dense par Parménide. La confusion me paraîtrait certaine si le poète avait réellement désigné cette voûte sous le nom d’αἰθήρ ; mais là encore il y a doute, car, dans les vers qui nous restent de lui, cette expression semble plutôt désigner la substance au sein de laquelle sont plongés les astres[1], tandis que la voûte sphérique extrême est appelée οὐρανὸς ἀμφὶς ἔχων ou bien ὄλυμπος ἔσχατος. En tout cas, on peut dire que Parménide s’était exprimé avec ambiguïté, et cela peut-être volontairement.

À l’intérieur de la voûte sphérique obscure vient une couronne, ignée d’après Stobée. Il ne me paraît pas douteux qu’il ne faille y reconnaître la voie lactée ; mais ce n’est point une couronne de feu pur ; car, si le feu semble former une enceinte continue, il n’apparaît en fait que par ἀναπνοή, et la nuance blanchâtre de la couronne est due précisément au mélange des deux éléments (Stobée, I, 27, 1). Au reste, nous avons encore un vers de Parménide ; avec la leçon de Diels :

et 126.

αἰ γὰρ στεινότεραι πλῆντο πυρὸς ἀτρήκοιο.

il correspond exactement à la conception d’Anaximandre : le feu à l’intérieur d’une couronne creuse.

  1. V. 141 : αἰθήρ τε ξυνὸς.