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forts, un dix-millionième de gramme : par conséquent l’élément spermatique représente à peu près du poids du corps total du père.

L’être nouveau se développe. Il devient un homme à son tour, et, étant adulte, il produit un nouvel élément spermatique qui représente de son corps.

Or le nouvel être formé, le petit-fils, ressemble étonnamment à son grand-père. Il a la même voix, les mêmes yeux, la même taille, les mêmes gestes : il a aussi les mêmes goûts, les mêmes maladies. — C’est là un fait d’observation vulgaire que personne ne conteste. — Il arrive donc que cette ressemblance saisissante a été donnée au petit-fils par une portion de substance qui représente en poids du corps de son grand-père.

Croit-on que notre science puisse expliquer cela ?

L’instinct qui porte l’abeille à construire des cellules hexagonales, la fourmi à traire des pucerons, ou l’araignée à ourdir sa toile ; quelle en est l’origine, la cause première ? A-t-on réfléchi à l’absurdité et au néant profond de toutes les hypothèses invoquées. Comment une goutte d’un virus vaccin peut-elle agir efficacement vingt ans après qu’elle a été inoculée ? Comment quelques traces d’humidité dans l’air peuvent-elles provoquer des douleurs rhumatismales ? Comment le langage peut-il être élaboré dans le cerveau ? Quel est Île rapport de la pensée avec la matière ? À toutes ces questions on n’a pas encore donné l’ombre d’une solution approximative.

Et la matière elle-même, qu’est-ce donc ? Est-elle continue ou discontinue ? Si elle est constituée par des atomes, se touchent-ils ou ne se touchent-ils pas ? Les deux hypothèses sont également incompréhensibles, et la conception d’un atome est inaccessible à toute intelligence. On dit : c’est le lieu d’application d’une force qui est la pesanteur. Voilà une bien belle explication et qui doit satisfaire les plus exigeants.

Vraiment oui, nous connaissons les propriétés de la matière, parce que l’eau, les pierres, les arbres, le vent, frappent nos sens ; mais quant à en connaître la nature intime, et à aller au delà des données grossières que nous fournit l’’ébranlement de nos sens, cela nous est absolument impossible.

En un mot, dans la nature, nous avons observé un bon nombre de phénomènes ; nous en avons tant bien que mal expliqué quelques-uns :