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paulhan. — croyance et volonté

comme la fixation d’un état de conscience. « Vouloir un mouvement corporel, dit M. Brochard, puisque aussi bien nous ignorons complètement comment il s’exécute, c’est uniquement nous arrêter à l’idée de ce mouvement, lui donner dans la conscience une place à part, écarter toutes les représentations contraires ou simplement autres : le mouvement réel vient après, suivant les lois générales de l’union de l’âme et du corps. Qu’est-ce maintenant qu’affirmer ? N est-ce pas aussi, après une délibération plus ou moins longue, s’arrêter à une idée, écarter celles qui la contredisent, lui conférer une sorte de réalité, la marquer d’une préférence ? Envisagés en eux-mêmes, dans le for intérieur où ils s’accomplissent tous deux et où ils s’accomplissent seulement, les deux actes ne sont-ils pas de même nature ? »

La délibération n’est évidemment pas essentielle à la volonté, tout le monde conviendra que nous voulons quelquefois sans délibération, et que bien des actes accomplis sans la moindre hésitation n’en sont pas moins des actes volontaires. Mais alors, nous nous apercevons que nous sommes entraînés plus loin que nous ne l’avions cru. Quelle est la véritable marque de l’acte volontaire ? Dans toute théorie, cela est difficile à établir. On s’accorderait assez, je crois, à dire que cela est volontaire qui dépend de nous. Mais si par le moi on entend le moi complet, j’entends l’esprit et l’organisme, il n’y a aucun phénomène physique ou psychique qui ne soit volontaire. Tout phénomène appartenant à une personnalité est l’expression de cette personnalité. Il faut admettre alors plusieurs volontés, les unes conscientes, les autres inconscientes, qui s’accordent ou luttent entre elles. Cette conception peut se soutenir, à la condition que l’on s’aperçoive bien que le mot de volonté n’a plus la signification très vague qu’on lui donne vulgairement et qu’il a pris un sens, à la fois plus précis et plus large. À ce point de vue, il est évident que toutes les croyances seront volontaires, mais il faut avouer que cela n’a pas une grande importance, étant donné que tous les phénomènes organiques et psychologiques le sont également et que le sens du mot volontaire est ici considérablement transformé.

Et, c’est là cependant, à mon avis, la vraie solution du problème et la meilleure manière de le résoudre. Nous examinerons tout à l’heure les autres manières, développons un peu celle-ci.

Il serait oiseux de développer ici cette idée qu’il n’y a entre l’acte volontaire le plus indiscutable et le réflexe le mieux caractérisé que des différences de degré. (Je parle en me plaçant au point de vue déterministe.) Mais cela ne suffirait évidemment pas pour confondre les actes volontaires et les réflexes ; de ce que l’homme et l’amphioxus