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paulhan. — croyance et volonté

Quant à priori nos sentiments ou nos idées répugnent à une croyance ou à un acte, nous considérons cet acte comme ne devant pas (au futur) être accompli, cette idée comme ne devant pas être tenue pour vraie. Ces deux idées du non-accomplissement futur de l’acte, de la non admission de l’idée comme croyance, sont remplacées par des substituts cérébraux qui persistent dans la sphère de la demi-conscience pendant que nous pensons à l’idée et à l’acte. C’est cette persistance qui sépare l’idée de la croyance, la représentation de la volonté active. Quelquefois il arrive que cette persistance cesse et les penchants primitifs sont vaincus par la nouvelle idée. Lorsque, au contraire, une idée ou une représentation d’acte nous arrive en harmonie avec nos tendances, ou que cette harmonie s’établit après une lutte, la conscience de cette harmonie est généralement remplacée par un substitut cérébral que l’organisme connaît bien, mais qui reste un peu obscur pour la conscience. C’est la réunion de ce substitut, de cet état subconscient, indiquant l’harmonie des tendances et de la représentation de l’acte, qui constitue souvent l’acte volontaire et ce substitut qui joue le rôle de fiat. Ajoutons qu’il ne se produit pas dans tous les actes qui passent pour volontaires.

Si nous examinons la perception au lieu d’examiner les idées ou la représentation d’actes, nous trouvons encore ce substitut cérébral dans quelques cas de lutte et de désaccord. Il a disparu dans la plupart des cas, parce qu’il était inutile, la lutte étant beaucoup moins fréquente dans le domaine de la perception que dans celui de la pensée ; de même, il est moins vif dans le domaine de la pensée, que dans celui de l’action, parce que, en général, l’attention se porte plutôt sur les conflits de l’action que sur ceux de la pensée. Je ne doute pas que l’habitude de l’observation ne tende à le faire plus nettement apparaître.

Si nous faisons ainsi de la volonté un terme général s’appliquant à toute réaction individuelle en présence de certaines circonstances, nous allons être entraîné à transporter la volonté dans le monde inanimé. En effet, un corps placé dans de certaines circonstances, ou bien ne réagit pas du tout, ou bien réagit en vertu de sa nature propre. De même que mon voisin et moi, placés dans les mêmes conditions, nous n’agissons pas de la même manière ; de même l’oxygène, vis-à-vis d’un corps quelconque, ne se comportera pas comme l’hydrogène. Je sais bien qu’on peut dire que précisément l’oxygène se comportera toujours de la même manière, au lieu que tous les hommes diffèrent par leurs réactions. Mais, certaines réactions pourraient être les mêmes chez tous les hommes sans cesser d’être volontaires ; nous avons vu, au reste, qu’il n’y avait pas