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BEAUNIS. — l’expérimentation en psychologie

logique, c’est cette inactivité, ce repos complet de la pensée pendant le sommeil hypnotique. On s’est souvent demandé si dans le sommeil ordinaire, le cerveau était inactif et bien des raisons ont été données pour et contre ; il me semble que les faits que je viens de citer permettent de trancher la question et je crois que dans le sommeil naturel profond, le cerveau est en réalité inactif comme dans le sommeil provoqué.

Cette inertie de la pensée, comme nous l’avons vu, n’est qu’une inertie conditionnelle ; il suffit de la moindre suggestion, du moindre mot prononcé par l’hypnotiseur pour que cette inertie fasse place à l’activité et cette activité peut même être très développée, plus peut-être qu’à l’état normal. Le jugement m’a paru en effet très droit chez les hypnotisés et ils raisonnent en général avec beaucoup de correction et de logique. « Ce qui nous a le plus frappé, dit le Dr Liébault, c’est leur puissance de déduction ; quelle que soit la conséquence de leur élaboration intellectuelle, la trame de leur raisonnement est logique et rapide », et je partage tout à fait son avis. Il ne me paraît donc pas juste de considérer l’hypnotisé « comme une machine inconsciente incapable de raisonnement et de jugement » (Pitres, page 19). Ce qui est vrai, c’est qu’il leur faut l’impulsion première, la suggestion ; mais cette impulsion donnée, la machine intellectuelle (pour continuer la comparaison) se met en mouvement et peut même fonctionner avec plus de régularité et de précision que dans l’état de veille.

Je n’ai jamais pu cependant, jusqu’à présent du moins, constater chez les sujets que j’ai observés, les phénomènes merveilleux admis par certains magnétiseurs, tels que la divination mentale, la seconde vue, le don de prophétie, etc. Toutes les fois que la suggestion que je voulais produire a été simplement pensée et non exprimée d’une façon ou d’une autre, elle ne s’est jamais réalisée. Jamais non plus les sujets n’ont pu deviner la nature d’un objet que je tenais dans la main ; jamais ils n’ont pu dire ce que je pensais ou ce que j’avais fait à tel ou tel moment. Je ne veux pas cependant nier absolument ces faits en présence des affirmations de savants de très bonne foi ; ce que je puis dire, c’est que je ne les ai jamais observés.

Quant aux prédictions, il en est de même. On peut prédire soi-même l’acte que fera un sujet puisque, cet acte, on le lui a suggéré ; mais je n’ai jamais rencontré un sujet qui annonçât à l’avance un événement et dont la prédiction se réalisât. Une seule exception existe et le fait a été déjà constaté souvent et j’en ai moi-même observé des exemples. Il peut arriver que des somnambules atteintes de maladies et spécialement d’affections nerveuses, annoncent