Page:Ribot - Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome 20.djvu/131

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
127
BEAUNIS. — l’expérimentation en psychologie

somnambulique : « Je ne pourrais pas mentir. » Il est possible du reste q’uen s’adressant à des natures vicieuses, le résultat fût différent et il serait intéressant de savoir comment se comporterait pendant le sommeil hypnotique un criminel de profession, un voleur ou un assassin par exemple. Il est certain que ces recherches seraient difficiles et qu’il faudrait se mettre en garde contre une simulation probable, mais quoi qu’il en soit, ces essais présenteraient un grand intérêt au point de vue psychologique. Dans l’hypnotisme en effet, j’ai déjà eu occasion de le faire remarquer, l’être moral se livre tout entier, non seulement dans ses actes, mais dans ses pensées et ses sentiments les plus intimes ; tout apparaît, vices, défauts, travers, vertus, passions, tout s’étale avec la plus implacable franchise, avec la naïveté la plus complète. Voir à nu l’âme d’un Lacenaire, quel sujet d’études pour un philosophe ! Et qui sait si, dans cette exploration, il ne se rencontrerait pas quelque sentiment pur, diamant perdu dans la fange, quelque souvenir d’enfance qui, mis en œuvre par la suggestion, pourrait devenir le point de départ du relèvement moral du criminel et de son retour au bien ?

IX

Une des questions les plus difficiles du somnambulisme provoqué est celle du rapport du sujet avec celui qui l’a endormi.

« Il est d’observation, dit le Dr Liébault (p. 51), que presque toujours les somnambules artificiels sont en relation par les sens avec les endormeurs, mais rien qu’avec eux. » Le sujet entend tout ce que lui dit l’hypnotiseur et n’entend que lui, pourvu que le sommeil soit assez profond. D’après le Dr Liébault, et j’ai pu constater le fait à plusieurs reprises sans pourvoir affirmer qu’il soit constant, le somnambule en communication avec son endormeur, ne paraît pas entendre celui-ci lorsqu’il s’adresse à une tierce personne ; il faut qu’il soit directement interpellé par lui.

Ce rapport avec l’hypnotiseur s’établit non seulement par l’ouïe, Mais par toutes les autres espèces de sensations. Ainsi si l’endormeur prend ia main du sujet endormi avec toutes les précautions possibles pour ne pas révéler sa présence, le sujet reconnaît immédiatement que cette main appartient à l’hypnotiseur et il obéit aux attitudes et aux mouvements que l’hypnotiseur imprime à ses membres sans que celui-ci prononce une parole. Si par exemple, dans ces conditions, l’hypnotiseur soulève le bras du sujet, ce bras reste élevé, tandis que si une autre personne, non en rapport avec