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le sujet, lui élève le bras, ce bras retombe inerte. De même quand le bras a été mis en catalepsie, cette catalepsie cesse dès que l’hypnotiseur le prend, sans parler, pour lui faire faire un mouvement, tandis que si c’est une autre personne qui fait la tentative, elle éprouve une résistance invincible ; il en est encore de même pour les mouvements automatiques qui ne s’arrêtent que quand l’hypnotiseur les arrête lui-même.

Quand des passes sont faites à quelques centimètres du sujet endormi, soit devant sa figure, soit même derrière lui, le sujet reconnaît si ces passes sont faites par celui qui l’a endormi ou par des personnes étrangères. Faut-il attribuer le fait à une surexcitation de la sensibilité tactile ? Je ne sais. Quand on lui demande pendant son sommeil : comment savez-vous que c’est moi qui ai fait ces passes ? Je le sens ; telle est la réponse invariable ; mais il ne peut donner d’autres explications.

Quand un sujet est ainsi en rapport avec son hypnotiseur, celui-ci peut le mettre en rapport avec un des assistants de plusieurs façons. La plus ordinaire et celle qui réussit le mieux, c’est de prendre la main d’un des assistants et de la placer dans celle du sujet en les tenant toutes les deux et en disant au sujet : « Je vous mets en rapport avec cette personne ; vous lui obéirez comme à moi. » Le sujet est alors en rapport avec cette personne absolument comme avec l’hypnotiseur.

En quoi consiste en réalité ce phénomène singulier du rapport entre l’hypnotiseur et l’hypnotisé ? D’après le général Noizet et A. Bertrand dont le Dr Liébault accepte l’explication, le sujet reste en rapport avec l’hypnotiseur parce qu’il s’endort en pensant à lui, et A. Bertrand fait à ce propos la remarque suivante, reproduite par M. Liébault : « Ce que l’on observe sous ce rapport chez les somnambules ne diffère pas de ce qui arrive tous les jours dans le sommeil ordinaire. Une mère qui s’endort auprès du berceau de son fils, même pendant son sommeil, ne cesse pas de veiller sur lui ; mais elle ne veille que pour lui, et, insensible à des sons beaucoup plus forts, elle entend le moindre cri qui sort de la bouche de son enfant. »

Dans cette hypothèse, l’imagination du sujet ferait tous les frais de ce rapport et il n’y aurait pas de relation spéciale, physique ou physiologique, entre l’endormeur et l’endormi. Le Dr Liébault, dans son livre sur le sommeil, Carpenter, dans sa Mental Physiology, et la plupart des hypnotiseurs modernes se rattachent à cette opinion. Pour le Dr Liébault, c’est la concentration de l’attention du sujet sur celui qui l’endort, « il garde, dit-il, dans son esprit l’idée de celui