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BEAUNIS. — l’expérimentation en psychologie

pénétrer plus profondément dans le phénomène. Pour lui l’essentiel c’est de réduire à son minimum l’activité de la pensée en restreignant son exercice à l’un de ses modes les plus simples, et pour cela on la soumet à l’excitation exclusive d’une sensation simple, homogène, continue (telle que celle de la fixation d’un objet brillant). On amène ainsi une sorte de suspension de l’activité mentale, sauf sur un point ; mais la force nerveuse continue à se produire dans le cerveau où elle s’accumule n’étant plus employée ; il en résulte ce qu’il appelle une congestion nerveuse. Cette force nerveuse ainsi accumulée dans le cerveau peut se déplacer ou se porter sur telle ou telle partie, tel ou tel nerf, tel ou tel organe sensoriel et augmenter alors son activité d’une façon remarquable. Les phénomènes hypnotiques ne sont pas autre chose qu’un déplacement de force nerveuse accumulée dans l’encéphale et soumise à la direction imprimée par l’hypnotiseur. Ce déplacement se fait sous l’influence d’une idée suggérée (idéoplastie de Durand de Gros).

Pour ma part j’admets facilement cette influence de l’attention et de la concentration de la pensée sur les phénomènes de l’hypnotisme, spécialement pour ce qui concerne les sensations. Mais il est cependant certains faits qui sont difficilement explicables avec cette théorie. On conçoit que sous l’impression d’une idée fixe qu’on vient de lui suggérer, l’hypnotisé voie au réveil une personne absente, mais comment expliquer de la même façon qu’il ne verra cette personne que huit jours après, si la suggestion a été faite ainsi. L’idée suggérée reste dans son esprit pendant ces huit jours sans qu’il en ait conscience et le huitième jour l’hallucination suggérée se produit à l’heure fixée. Y a-t-il là une idée dominante et une concentration de la pensée sur un sujet déterminé ? J’avoue que je ne l’y trouve pas.

Mais il y a encore d’autres considérations et ici je suis obligé d’empiéter un peu sur le domaine physiologique. J’ai fait dans ces derniers temps un certain nombre de recherches physiologiques sur quelques-uns des sujets que j’ai observés et j’en ai déjà parlé dans le cours de ce travail. Ces recherches avaient pour but en premier lieu d’étudier d’une façon générale l’état physiologique des somnambules et en second lieu de rechercher des phénomènes qu’il fût absolument impossible de simuler et qui pussent démontrer aux esprits les plus prévenus la réalité des faits somnambuliques. Pour ces derniers phénomènes je m’adressai de suite aux phénomènes de la vie organique et me traçai un programme d’expériences que je considérais comme décisives. Je n’en relaterai ici que deux.

La première expérience concerne les mouvements du cœur. Dans la séance de la Société de biologie du 2 août 1884, j’ai montré un