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LES COMPARAISONS ENTRE LA PEINTURE ET LA MUSIQUE


Lorsque l’homme éprouve quelque difficulté à préciser ses pensées, il a volontiers recours à des comparaisons. Aussi ne doit-on pas s’étonner si celles-ci abondent dans les discussions artistiques, où la sensibilité prime l’intelligence et où, par suite, on n’arrive qu’avec peine à la clarté. Parmi ces comparaisons, il en est qui attirent spécialement l’attention parce qu’elles portent sur des éléments hétérogènes, sur les sensations auditives et les sensations visuelles. En usage de tout temps, elles ont reçu un attrait particulier des découvertes de la physique moderne, qui ont révélé d’étroites ressemblances entre les causes objectives du son et de la lumière. C’est la pensée qu’exprime M. Eugène Véron, dans le passage suivant de sa curieuse Esthétique : « C’est par l’analogie des vibrations sonores et des vibrations lumineuses que nous expliquons la ressemblance des sensations résultant des sons et des couleurs. Le langage avait depuis longtemps constaté et consacré ces ressemblances avant que la science en eût expliqué la cause[1] ».

Mais la satisfaction qu’on éprouve à voir ces comparaisons instinctives sanctionnées, pour ainsi dire, par la science, disparaît bientôt si l’on rapproche avec soin les comparaisons usitées des correspondances objectives. Le contraste est particulièrement piquant, lorsqu’il apparaît dans l’œuvre de M. Véron à titre de confirmation de l’idée que nous venons de reproduire. Voici, en effet, de quelles considérations il la fait suivre : « Si l’on emploie des instruments qui ne donnent qu’un son fondamental, on ne produit que de la musique terne, de la musique grise ; elle se colore, au contraire, avec des cordes dont rien ne gêne la vibration, et qui, par conséquent, émettent un son fondamental accompagné d’un grand nombre de sons harmoniques (p. 112) ». Il résulte de ce passage que le timbre

  1. P. 111