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parler des Idées. Dieu et la vie future sont considérés par les uns comme devant un jour être connus par expérience ; par les autres, ils sont placés sur la même ligne que tous les concepts d’objets ou de phénomènes dont l’existence est démontrée sans pouvoir être perçue.

D’autres prennent la croyance à Dieu comme une idée innée ; mais ils doivent démontrer auparavant qu’il ne faut pas la rejeter, et, s’ils donnent une telle démonstration, Dieu passe au rang des êtres dont l’existence est conclue par l’entendement et dont il y a des concepts.

La croyance à la liberté n’est pas plus que la croyance à Dieu et à la vie future une véritable Idée.

Les Idées du Vrai, du Bien, du Beau se distinguent beaucoup des conclusions ordinaires qui établissent l’existence d’un objet perceptible dans certains cas et sous certaines conditions ; leur essence ne consiste pas dans la propriété d’un objet dont l’existence peut-être démontrée, mais dans la manière dont elles se produisent ; sans doute elles ont un concept, mais elles ne sauraient à juste titre être rangées parmi les concepts au sens exact du mot ; elles doivent avoir un autre nom.

Les Idées du Vrai et du Bien croissent naturellement avec les propriétés constitutives de l’âme humaine, avec les fonctions fondamentales de la conscience. Elles ne dérivent pas d’un pouvoir abstrait, mais de l’essence de la pensée ordinaire par laquelle nous nous orientons dans le monde et par laquelle nous formons les concepts des choses et des propriétés. Les impressions sensibles forment un chaos dans lequel l’ordre est introduit au moyen des principes d’identité et de causalité. Ces principes sont déjà supposés par l’analyse du contenu de la sensation et ne peuvent venir que de la conscience. Nous sommes en possession de la vérité, nous avons atteint la vraie connaissance, lorsque nous avons ainsi mis l’ordre dans nos sensations. L’erreur est une pensée qui renferme une contradiction et qui par cela même n’atteint pas la réalité. L’être conscient affirme son existence ; il veut naturellement augmenter le plaisir qui lui vient de la conscience et qui est cherché pour elle ; pour cela il recherche une lucidité et une clarté de plus en plus grandes, il s’efforce de faire disparaître la contradiction, qui, rendant obscur le contenu de la conscience, lui cause un certain déplaisir. Que la connaissance humaine puisse supprimer toutes les contradictions et toutes les obscurités, c’est une chose que nous n’affirmons pas ; mais que nos efforts pour atteindre ce but ne soient pas vains, que ce but lui-même ne soit pas un fantôme qui nous entraîne vers le vide et l’erreur, c’est ce que l’on peut affirmer sans crainte.

Nous avons donc une Idée, sans laquelle l’usage le plus ordinaire de l’entendement serait impossible. En un certain sens, rien ne lui correspond dans l’expérience, sans qu’elle implique cependant un objet imaginé ou tiré de soi avec trop d’adresse (taschenspielerisch). Cette Idée du Vrai ne consiste pas dans l’application des catégories à ce qui n’est pas objet d’expérience, mais dans la possibilité de les appliquer régulièrement à tout objet qui leur sera donné. Elle n’est que le résultat de la