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LES THÉORIES MÉTAPHYSIQUES

DU MONDE EXTÉRIEUR


La question de l’existence d’un monde extérieur subsistant en soi et indépendamment de nos sensations actuelles ou possibles, n’est pas, comme le croit encore le sens commun vulgaire, une question d’ordre pratique. Quelque parti que l’on prenne au sujet de la nature illusoire ou véridique de nos représentations, les règles de conduite qui doivent nous diriger dans le monde des corps demeurent les mêmes. Pyrrhon a beau penser que tout ce qui l’environne n’est qu’apparence, ses amis n’auront pas besoin de le pousser de côté quand une voiture sera près de l’atteindre, ni de le retenir quand il sera arrivé à la berge de la rivière. L’idéaliste peut être convaincu que le fauteuil qui est devant lui n’existe que pour sa représentation, il s’y assoira avec confiance. C’est que, si l’existence du fauteuil est une donnée purement subjective de son esprit, le fait de s’y asseoir est une autre donnée exactement du même ordre ; et que la première a une valeur très positive, sinon en elle-même, du moins dans son rapport avec la seconde : de même l’on voit en algèbre le produit de deux imaginaires conjuguées donner une quantité réelle.

La question est donc de l’ordre purement spéculatif, et c’est là un point important à signaler, parce qu’une multitude de gens, persuadés que la pratique y est intéressée, sont toujours disposés à faire intervenir le sens commun dans un débat où il n’a que faire. Le sens commun ainsi écarté de prime abord, nous restons en présence d’un problème théorique à discuter théoriquement, comme il convient. Eh bien ! nous l’avouerons, la solution de ce problème la plus généralement acceptée ne nous satisfait pas ; et le but principal que nous nous sommes proposé en entreprenant ce travail a été d’en faire voir l’insuffisance. Ce que nous nous efforcerons de faire, c’est de montrer l’infériorité de la thèse réaliste par rapport à la thèse idéaliste. Il est évident du reste que nous ne pouvons songer à explorer toutes les parties d’un si vaste sujet, et nous devrons nous