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DUNAN. — les théories métaphysiques

donné : de suite nous lui cherchons une explication dans ce que nous appelons sa cause. L’eau bout à la température de 100° sous la pression de 760 millimètres. La température de 400° et la pression de 760 millimètres, voilà l’explication ou la cause de l’ébullition de l’eau, du moins dans un cas particulier : cette eau a bouilli parce que l’eau bout, etc. Le fait particulier à donc bien son explication, ou comme on dit encore, sa raison suffisante, dans le fait général ou dans la loi. Mais pourquoi, d’une façon générale, l’eau bout-elle à la température 100° et à la pression 760 ? Ici l’explication semble faire défaut. Qui pourrait dire pourquoi l’eau bout à la température 400 sous la pression 760 ? Il y a donc là, à ce qu’il paraît, une exception au principe de l’universelle intelligibilité. En réalité, il n’en est rien. L’ébullition de l’eau dans les conditions que l’on sait, est simplement un fait général qui doit avoir sa raison d’être dans un autre fait plus général encore de l’ordre mécanique. C’est ce dernier fait qui nous échappe, et voilà pourquoi nous déclarons ne pas comprendre pour quelle raison l’eau sous la pression de 760 millimètres, bout à 100° plutôt qu’à 80° ou à 120° ; mais cette raison n’en existe pas moins. Ainsi, au point de vue du savant, comme à celui du métaphysicien, le principe de l’intelligibilité universelle n’admet pas d’exceptions.

Cela posé, voyons si ce principe n’est pas vraiment incompatible avec l’existence d’une matière, c’est-à-dire d’un quelque chose qui existerait indépendamment de toute représentation.

Prenons un autre exemple. Un ballon s’élève dans l’air : pourquoi ? — C’est qu’il est plus léger que l’air. — Mais pourquoi un corps plus léger que l’air s’y élève-t-il ? — C’est qu’il reçoit de l’air une poussée supérieure à son poids. — Et pourquoi en reçoit-il une poussée supérieure à son poids ? — C’est parce qu’un corps plongé dans un fluide en reçoit une poussée égale au poids du fluide déplacé. — Qu’avons-nous fait ici, sinon ramener un fait particulier, l’ascension de ce ballon, à un fait plus général, l’ascension de tous les crops plus légers que l’air ; puis ce fait plus général à un plus général encore qu’on appelle le principe d’Archimède ? — Mais le principe d’Archimède est-il sans raison et sans explication possible ? — Tant s’en faut qu’il le soit, et nous le ramènerons au principe de la composition des forces, lequel à sa racine dans quelques propositions très simples d’arithmétique et de géométrie, et ces dernières ne sont à leur tour que des applications de l’axiome d’identité. Revenons maintenant au point de départ. Le phénomène considéré a été expliqué en totalité, c’est-à-dire qu’il a été réduit, c’est-à-dire qu’il s’est évanoui. Il n’a pas opposé la moindre résistance à l’effort de l’esprit pour le résoudre et