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un fait plus général, le principe d’Archimède. Celui-ci s’est laissé, avec la même docilité, réduire au principe de la composition des forces, et, en définitive, à la loi d’identité. Où donc est ici la matière, c’est-à-dire le quelque chose qui, par hypothèse, résisterait aux exigences impérieuses des lois de l’esprit tendant à l’expliquer, c’est-à-dire à le réduire ? — Mais, dira-t-on, vous avez passé deux fois du concret à l’abstrait, une première fois quand vous avez expliqué le fait concret de l’ascension du ballon par une loi abstraite et générale ; la seconde, lorsque vous avez ramené le principe de la composition des forces à la pure et simple identité. Est-il surprenant qu’après avoir vidé ainsi la réalité de tout ce qu’elle contenait de concret, vous n’ayez trouvé tout au fond qu’une abstraction sans vie et sans forme ? — Soit, répondrons nous, revenons donc à ce concret dont vous parlez. Ce ballon d’abord, qu’est-il ? Inutile de revenir ici sur ce qui vient d’être dit, il n’y a qu’un instant : ce ballon n’est autre chose qu’un groupe de phénomènes associés dans mon esprit, et l’ascension qu’il va exécuter sous mes yeux n’est précisément que l’un de ces phénomènes qui le constituent ; seulement c’est l’un des moins complexes. Un ballon, dites-vous, c’est du gaz hydrogène enfermé dans une enveloppe d’étoffe. — Je réponds oui, mais le gaz hydrogène c’est quelque chose de léger, de fluide, etc. ; une étoffe, c’est quelque chose de mince, de flexible, de résistant, etc., et un ballon c’est quelque chose de gros, de rond, qui résiste faiblement à la pression, et qui s’élève.

Tout revient donc en définitive à expliquer le fait concret de l’ascension du ballon, abstraction faite de toute considération relative à la matière dont on le suppose composé. Cela posé, nous sommes en droit de dire que cette ascension réelle s’explique par le principe de la composition des forces. Mais, des forces réelles étant données, il restera à savoir s’il est possible de les réduire à une abstraction pure telle que la loi d’identité. Hé bien, disons-le de suite, nous ne prétendons nullement qu’une telle réduction soit possible. Mais considérez ce que sont ces forces réelles, et prenons encore un exemple, aussi simple que possible, pour abréger. Deux forces réelles, de direction et d’intensité différentes, agissent sur un même point mobile. On sait ce qui arrive en pareil cas : ces deux forces se composent, et donnent lien à une résultante qui, pour la direction et pour l’intensité, est représentable par la diagonale du parallélogramme dont les deux composantes, par leur direction et par leur intensité, forment les deux côtés adjacents. Quelle est maintenant la véritable force, celle dont les effets se font sentir, et que nous constatons ? C’est la résultante. Considérons donc cette résultante. Son intensité et sa direction sont mathématiquement, ou, ce qui revient au même,