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qui, sans le secours de quelque muscle, puisse produire une action de ce genre dans les parties d’un être animé. C’est toujours grâce aux muscles que s’acomplissent les mouvements auxquels président l’intelligence et la volonté. Si donc le nerf qui se rend à tel ou tel muscle est lésé, le muscle ne fonctionne plus et le mouvement n’a plus lieu. Si tous les nerfs de tous les muscles étaient lésés, l’immobilité serait complète, comme l’insensibilité serait complète si tous les nerfs de la peau étaient lésés. Ce serait la paralysie générale. Mais pour connaître ces choses, pour discerner quels nerfs sont lésés, quelles modifications doivent s’ensuivre dans la sensibilité et le mouvement, il faut lire les descriptions que j’ai données dans l’Anatomie des nerfs, personne avant moi n’ayant exposé nettement cette anatomie, mais tous ayant commis des erreurs plus ou moins graves. »

Liv. III, ch.  x. — « Il est des cas où la sensation et le mouvement sont abolis dans tout le corps, devenu insensible et immobile : c’est l’apoplexie. Il en est où cette abolition n’a lieu que d’un côté, soit le droit, soit le gauche : c’est la paralysie et plus précisément la paraplégie. Il en est où elle n’a lieu que dans un membre : c’est la paralysie partielle, locale. Mais la sensation et le mouvement ne sont pas toujours atteints ensemble ; il peut arriver et il arrive qu’un sujet perde la sensation en conservant le mouvement, ou inversement perde le mouvement en conservant la sensation. Or, toutes ces anomalies s’expliquent par l’état de la moelle épinière et du cerveau, des paires de nerfs qui s’échappent de la moelle épinière, et par les différentes qualités de ces nerfs, les uns sensibles, les autres moteurs.

« Il faut se rappeler les résultats fournis par la dissection. La dissection nous apprend que, sauf la face, toutes les parties du corps situées au-dessous de la tête, et qui sont soumises à l’empire de l’intelligence et de la volonté, ont des nerfs, lesquels tirent leur origine de la moelle épinière. La dissection nous apprend que la face a aussi ses nerfs, lesquels procèdent directement du cerveau. Elle fait plus : elle nous apprend encore que si l’on incise transversalement dans toute sa largeur la moelle épinière, toutes les parties du corps situées au-dessous sont aussitôt privées de sensibilité et de mouvement, la moelle recevant du cerveau et transmettant les facultés de sentir et de mouvoir ; elle nous apprend que si l’on incise seulement la moitié droite ou gauche de la moelle, alors ce ne sont plus toutes les parties situées au-dessous qui perdent la sensibilité et le mouvement, mais seulement celles qui correspondent à l’incision. Or, ces faits expliquent parfaitement les affections ci-dessus relatées. En effet, qu’une modification anormale ait lieu tout au commencement de la moelle, et empêche le cerveau de lui communiquer ses propriétés, il est évident que le mouvement et la sensibilité devront disparaître de tout le corps, sauf de la face. Si la modification n’atteignait que la moitié droite ou gauche de la moelle à son origine, il est évident qu’une moitié seule du corps serait paralysée du haut en bas. Que si le cerveau même, et non plus la moelle, était